Derrière la Coupe du monde, des mesures impopulaires
Le gouvernement russe a décidé, en catimini, de reculer l’âge de la retraite et de relever la TVA. Vladimir Poutine, qui s’y était toujours opposé, s’en lave aujourd’hui les mains
Pendant que les Russes ont les yeux rivés sur le Championnat du monde de football, le gouvernement passe en douce des mesures impopulaires, dont une hausse de la TVA de 18 à 20%, et brise un vieux tabou: reculer l’âge de la retraite. Une pilule difficile à avaler dans un pays où la catégorie sociale la plus démunie est précisément celle des personnes âgées, avec l’essentiel des retraites comprises entre 100 et 300 francs par mois.L’âge de la retraite sera reculé progressivement de cinq ans pour les hommes et de huit ans pour les femmes (respectivement à 65 et 63 ans) au cours des quinze prochaines années.
Un alignement sur les autres pays développés
La Russie ne fait en réalité que s’aligner sur les pays développés, car aujourd’hui, les Russes partent à la retraite plus tôt que dans tous les autres pays de l’OCDE. Le premier ministre, Dmitri Medvedev, a indiqué jeudi soir qu’une loi serait transmise au parlement afin d’être adoptée avant la pause estivale. C’est-àdire en plein Championnat du monde, alors que les manifestations sont complètement interdites.
Bien qu’aucun dirigeant russe n’ait jusqu’à présent défendu cette mesure publiquement, il existait depuis longtemps un consensus sur sa nécessité. Le vieillissement de la population pèse de plus en plus sur l’économie, alors que la population active diminue. Le gouvernent prévoit qu’en 2036, il ne restera plus qu’un Russe en âge de travailler pour un retraité. L’indexation des retraites est gelée depuis l’année dernière pour soulager un budget fédéral déjà mis à mal par la baisse des recettes liées aux exportations d’hydrocarbures. Les solutions consistant à augmenter les cotisations des entreprises auraient des conséquences très négatives sur l’investissement.
Devançant les conséquences politiques négatives du recul de l’âge de la retraite, le président russe court aux abris. «Vladimir Poutine ne s’occupe pas de la question du recul de l’âge de la retraite, qui relève de la compétence du gouvernement», a indiqué vendredi son porte-parole Dmitri Peskov. Le 14 décembre, en pleine campagne présidentielle, Vladimir Poutine contournait l’épineux sujet en déclarant: «Je le répète encore une fois et je tiens à le souligner: aucune décision finale [sur l’augmentation de l’âge de la retraite] n’a été prise. […] Ces décisions ne peuvent être prises en coulisses, même au niveau gouvernemental.» La presse russe rappelle qu’en 2005, Vladimir Poutine avait déclaré «tant que je serai chef d’Etat, l’âge de la retraite ne sera pas repoussé».
40% des hommes meurent avant 65 ans
L’opposant Alexeï Navalny, qui vient d’être libéré après 30 jours de prison jeudi, remarque avec acidité que 40% des hommes ne vivent pas jusqu’à 65 ans. D’autres voix critiques pointent que, dans les conditions actuelles du marché du travail, il est très difficile à un homme ou à une femme de plus de 55 ans de trouver un emploi, ce qui risque de condamner les 55-65 ans à une grande précarité.
Beaucoup se moquent du «président Teflon», sous le feu des médias pour les triomphes, mais disparaissant mystérieusement à chaque échec. «Quand Poutine a appris le recul de l’âge de la retraite et la hausse de la TVA, il s’est mis en colère», ironise le rédacteur en chef de MediaZona, un média d’opposition, faisant allusion au mythe du «Bon tsar et des mauvais boyards».
Une autre plaisanterie amère était abondamment partagée hier sur les réseaux sociaux russes: «Vous avez eu les JO de Sotchi, le pont de Crimée et la Coupe du monde de foot. Maintenant, vous savez où sont passées vos retraites.»
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