Bagnes veut résister à une exigence du canton
La commune valaisanne grince quelque peu des dents. Une des mesures imposées par le canton ne lui convient guère. Elle espère pouvoir négocier avec le Conseil d’Etat
C’est une des 18 mesures imposées ce jeudi par le Conseil d’Etat à la commune de Bagnes, dans le dossier de l’affaire des constructions illicites de Verbier. Et c’est peut-être celle qui lui tient le plus à coeur. Le gouvernement exige des autorités communales l’analyse de toutes les décisions viciées rendues depuis avril 2012, afin de vérifier s’il y a lieu d’en révoquer. La pilule a de la peine à passer du côté des autorités communales.
Le président, Eloi Rossier, et le conseiller communal chargé des Constructions, Antoine Cretton, ont repris une par une, devant la presse ce vendredi, les exigences dictées par l’Etat du Valais. Et elles ne semblent pas les préoccuper outre mesure. «La plupart de ces exigences sont déjà remplies par les nouvelles pratiques de l’administration communale, a tenu à souligner Eloi Rossier. Le Conseil communal tiendra rigoureusement compte des recommandations faites par le groupe de travail mandaté par le Conseil d’Etat.» Mais arrivé au point 9 de la présentation, le ton change. Antoine Cretton évoque l’exigence du Conseil d’Etat d’étudier toutes les autorisations viciées délivrées entre 2012 et 2016.
«Cette mesure touche potentiellement de très nombreux dossiers, précise-t-il d’emblée. Au vu du résultat espéré par le gouvernement, cet engagement nous semble disproportionné. Nous devons éviter de surcharger inutilement le service des constructions.» Dans son rapport, le gouvernement cantonal reconnaît en effet que les conditions d’une révocation semblent rarement remplies, les autorisations de construire ayant été délivrées par l’autorité compétente, à savoir la commune.
L’exécutif communal peine donc à comprendre l’utilité d’une telle mesure. Pourtant, le canton est intransigeant à ce sujet. Le conseiller d’Etat chargé du dossier, Jacques Melly, avouait lors de la publication du rapport que «cette analyse est indispensable si l’on veut pouvoir mettre un terme à cette affaire». Pour l’Etat du Valais, la commune ne peut pas préjuger qu’une révocation de l’autorisation de construire est impossible, sans avoir analysé chaque dossier.
Sans vraiment le dire, la commune de Bagnes espère faire changer d’avis les autorités cantonales à ce sujet. Elle demandera à rencontrer le Conseil d’Etat pour éclaircir ce point et connaître l’objectif exact d’une telle exigence.
«La commune cherche à diminuer sa responsabilité»
Lanceur d’alerte dans cette affaire, Gabriel Luisier comprend que les autorités communales soient réticentes à réaliser le travail demandé par le canton. «La commune cherche à diminuer sa propre responsabilité dans cette affaire, afin de ne pas avoir besoin de passer à la caisse.» Il estime que si, après analyse des dossiers, des révocations d’autorisations de construire sont prononcées, les personnes concernées pourraient se retourner contre la commune. «Les propriétaires, qui ont construit de bonne foi puisqu’ils ont obtenu l’accord de la commune, pourraient demander réparation.»
La législation communale, contraire à la loi cantonale, autorisait en effet à soustraire les sous-sols lors du calcul de la densité constructible. Cette pratique permettait de bâtir des piscines, des saunas ou encore des cinémas privés, sans respecter la loi. En avril 2012, un arrêt du Tribunal fédéral tranche la question, mais la pratique persiste. Elle est dévoilée par la presse en août 2015 et le Conseil d’Etat s’empare du dossier. Le rapport rendu ce jeudi par le gouvernement démontre que, depuis avril 2016, ce procédé illicite a cessé, mais 117 dossiers doivent encore être régularisés.
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