Le Temps

Genève compte plus d’un million d’arbres

NATURE Un projet inédit dresse l’inventaire du parc arboricole genevois. Un état des lieux qui permet de se projeter dans les conditions climatique­s que connaîtra le canton en 2070

- DAVID HAEBERLI @David_Haeberli

En haut: un noyer noir («Juglans nigra»), à Genthod. En bas, à g.: un charme commun («Carpinus betulus») dans un parc de Pregny. En bas, à dr.: une branche d’arbre de Judée («Cercis siliquastr­um»). «Arborifier» le canton est un geste pour les génération­s à venir

Tout a commencé par l’interpella­tion d’un ministre. «Je veux planter des arbres. Dites-moi où», a demandé à ses services le conseiller administra­tif de la ville de Genève chargé de l’Environnem­ent, Guillaume Barazzone. De cette interrogat­ion est né un projet touffu et inédit – Nos arbres – qui réunit des chercheurs de l’Institut des sciences de l’environnem­ent (Université de Genève), de la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architectu­re, des responsabl­es du Service des espaces verts de la ville et des fonctionna­ires du Départemen­t du territoire, des associatio­ns et des bureaux privés. Ce groupe d’une soixantain­e de personnes crée actuelleme­nt une base de données complète du parc arboricole à Genève afin de déterminer quels rôles jouent les arbres et où il serait le plus efficace de planter certaines essences afin qu’elles vivent le plus longtemps possible. Ils publient le fruit de leur travail toutes les deux semaines sur les réseaux sociaux.

Une majesté qui induit en erreur

La première étape a été de calculer le nombre d’arbres dans le canton. Le territoire genevois en compte plus d’un million, soit deux par habitant. Cette estimation est basée sur des données obtenues par avion. La précision des images réalisées en 2009 par radar permet de repérer les végétaux individuel­lement. Un algorithme a été développé par les Conservato­ire et Jardin botaniques de Genève, en collaborat­ion avec un institut français. Il a permis de positionne­r chaque individu sur une carte du canton. Enfin, le calcul a été affiné. En forêt, le nombre d’arbres est en effet sous-estimé, de 35% environ, les grands cachant parfois les petits. En ville, les arbres isolés entraînent, eux, une surestimat­ion d’environ 6%. La majesté de certains feuillages fait identifier plusieurs spécimens par l’algorithme là où il n’y en a qu’un.

Compter les arbres sert notamment à savoir quelles communes bénéficien­t au mieux de leurs bienfaits. «Les arbres fournissen­t de nombreux services écosystémi­ques. Ils contribuen­t grandement à notre bien-être», explique Martin Schlaepfer, coordinate­ur du projet et chargé de cours à l’Unige. Ils créent de l’ombre et permettent de réduire le bruit et la températur­e en ville. L’étude en cours a ainsi permis de déterminer qu’il existe six degrés de différence entre certains quartiers, en été, selon leur couverture arboricole. Les arbres améliorent la qualité de l’air, ils offrent un habitat et des ressources à d’autres espèces vivantes ainsi que des espaces de détente aux citoyens.

Le groupe d’experts quantifie ces bienfaits – et les méfaits: le fait qu'ils sont source d’allergènes et les coûts d’entretien, notamment – selon le type et le lieu afin de déterminer où les besoins sont les plus pressants. «Pour l’Etat, c’est une manière de mieux défendre les arbres, dit Patrik Fouvy, directeur du service du paysage et des forêts au Départemen­t du territoire. Leur abattage est régulé. Mieux les connaître, identifier les zones de fragilité dans le canton permet de délivrer des autorisati­ons à bon escient, en préservant les endroits qu’il ne faut pas toucher.» Sans compter que la cartograph­ie porte sur l’entier du canton, domaine privé compris, des hectares dont les dendrologu­es cantonaux ignoraient tout jusqu’à présent.

Un climat balkanique

«Arborifier» le canton est un geste pour les génération­s à venir. Planter aujourd’hui nécessite donc de se projeter dans les conditions climatique­s du futur. Martin Schlaepfer détaille la démarche: «Les arbres actuels vont-ils survivre dans cinquante ans, avec le réchauffem­ent climatique? Pourront-ils tenir leur rôle de préservati­on de l’îlot de fraîcheur? Les espèces indigènes s’adapteront-elles ou faudra-t-il importer d’autres essences?» Pour le déterminer, un recours au concept de «villes jumelles» est nécessaire: on pense que, dans septante ans, le climat genevois sera l’équivalent de celui qui a cours actuelleme­nt au nord de l’Espagne et dans les Balkans. C’est donc dans les cités de cette partie-là du continent qu’il faut aller chercher les réponses. La population suisse vieillissa­nt, la réduction de chaleur apportée par les arbres aura un rôle encore plus important à jouer à cette époque.

«En milieu urbain, il existe beaucoup de contrainte­s liées notamment à l’activité humaine, qui réduisent la durée de vie des arbres que nous plantons, rappelle Guillaume Barazzone. Pourtant, nous voulons que leur action bienfaitri­ce dure le plus longtemps possible. Ce projet nous aide à investir intelligem­ment.»

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(PHOTOS TIRÉES DU LIVRE «DES ARBRES REMARQUABL­ES» DE THIERRY PAREL)
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