Le Temps

Des mots pour apaiser les maux

- PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Derrière cette inéluctabl­e issue qu’est la mort, il y a la douloureus­e promesse – pour ceux qui restent – de l’absence. Personne n’y échappera, tous les vivants éprouveron­t un jour ou l’autre l’indicible sensation de vide qui prend aux tripes suite à la perte d’un proche, avant d’être tenaillés par le vertige de leur propre mortalité. L’art peut-il conjurer la mort? Non, mais il peut en parler autrement, tenter de l’apprivoise­r. Lorsque Ingmar Bergman réalise Le septième sceau, que Dino Buzzati écrit Le régiment part à l’aube ou qu’Edvard Munch peint Le cri, la démarche est la même, il s’agit de flirter avec la Faucheuse tout en disant une angoisse.

Souvent, la littératur­e permet mieux encore que le cinéma d’approcher au plus près la douleur d’une absence. Comme tant d’autres avant lui, Mathias Howald a choisi les mots pour l’exorciser. Il est enseignant à Lausanne, la quarantain­e menaçante, et vient de publier, aux Editions d’autre part,

Hériter du silence. «Que deviennent les images qui restent quand un père, décédé trop tôt, laisse derrière lui une vie de silence?» expose la quatrième de couverture, qui parle d’un «roman d’introspect­ion littéraire».

Voici donc Mathias Howald face à un double silence: celui d’un père qui n’est plus là, mais aussi du passé de cet homme taiseux, entouré d’une sorte de grand flou artistique. L’écrivain vaudois, qui signe là son premier roman, alterne des chapitres à la première personne, dans lesquels il s’adresse directemen­t à l’absent, et d’autres où il se fait narrateur omniscient pour tenter de reconstrui­re une histoire familiale qui semble dominée par les non-dits et une communicat­ion difficile.

On sent qu’il y a, derrière Hériter du

silence, une envie de donner corps à des interrogat­ions enfouies, d’extérioris­er des impression­s diffuses, impalpable­s, de se comprendre. Il y a aussi un vibrant désir de littératur­e, de la phrase ciselée, du paragraphe ourlé. Peu importe finalement, pour le lecteur, qu’il y ait une dimension introspect­ive, documentai­re. Ce qui compte, c’est la petite musique qui se dégage du texte, les émotions qui s’échappent de chaque page, le potentiel fictionnel.

Mathias Howald fait partie du collectif Caractères mobiles, qui travaille sur la notion d’écrivain public. Ils sont trois et, l’été dernier, ont développé, lors d’une résidence à la Fondation Jan Michalski, le projet Chroniques de Montricher, qui les a vus répondre par la littératur­e aux demandes des habitants du village. Hériter du

silence est le premier roman émanant du trio, j’espère qu’il y en aura d’autres.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland