Des mots pour apaiser les maux
Derrière cette inéluctable issue qu’est la mort, il y a la douloureuse promesse – pour ceux qui restent – de l’absence. Personne n’y échappera, tous les vivants éprouveront un jour ou l’autre l’indicible sensation de vide qui prend aux tripes suite à la perte d’un proche, avant d’être tenaillés par le vertige de leur propre mortalité. L’art peut-il conjurer la mort? Non, mais il peut en parler autrement, tenter de l’apprivoiser. Lorsque Ingmar Bergman réalise Le septième sceau, que Dino Buzzati écrit Le régiment part à l’aube ou qu’Edvard Munch peint Le cri, la démarche est la même, il s’agit de flirter avec la Faucheuse tout en disant une angoisse.
Souvent, la littérature permet mieux encore que le cinéma d’approcher au plus près la douleur d’une absence. Comme tant d’autres avant lui, Mathias Howald a choisi les mots pour l’exorciser. Il est enseignant à Lausanne, la quarantaine menaçante, et vient de publier, aux Editions d’autre part,
Hériter du silence. «Que deviennent les images qui restent quand un père, décédé trop tôt, laisse derrière lui une vie de silence?» expose la quatrième de couverture, qui parle d’un «roman d’introspection littéraire».
Voici donc Mathias Howald face à un double silence: celui d’un père qui n’est plus là, mais aussi du passé de cet homme taiseux, entouré d’une sorte de grand flou artistique. L’écrivain vaudois, qui signe là son premier roman, alterne des chapitres à la première personne, dans lesquels il s’adresse directement à l’absent, et d’autres où il se fait narrateur omniscient pour tenter de reconstruire une histoire familiale qui semble dominée par les non-dits et une communication difficile.
On sent qu’il y a, derrière Hériter du
silence, une envie de donner corps à des interrogations enfouies, d’extérioriser des impressions diffuses, impalpables, de se comprendre. Il y a aussi un vibrant désir de littérature, de la phrase ciselée, du paragraphe ourlé. Peu importe finalement, pour le lecteur, qu’il y ait une dimension introspective, documentaire. Ce qui compte, c’est la petite musique qui se dégage du texte, les émotions qui s’échappent de chaque page, le potentiel fictionnel.
Mathias Howald fait partie du collectif Caractères mobiles, qui travaille sur la notion d’écrivain public. Ils sont trois et, l’été dernier, ont développé, lors d’une résidence à la Fondation Jan Michalski, le projet Chroniques de Montricher, qui les a vus répondre par la littérature aux demandes des habitants du village. Hériter du
silence est le premier roman émanant du trio, j’espère qu’il y en aura d’autres.