Le Temps

«A deux, nous sommes si forts»

- A. DF

Aux commandes du festival Antigel, Eric Linder et Thuy-San Dinh ont formé un couple dans la vie. Séparés aujourd’hui, ils n’ont jamais été aussi soudés profession­nellement

«Nous formons un team d’enfer», s’emballe Eric Linder, alias Polar. A la tête du festival Antigel à Genève, il constitue avec Thuy-San Dinh, longtemps administra­trice de compagnies, un duo aussi aimant que créatif. «Je n’aurais jamais pu diriger seul une telle manifestat­ion, souligne le musicien. Au départ, nous étions même trois aux manettes, Claude Ratzé, qui était alors directeur de l’Associatio­n pour la danse contempora­ine, Thuy-San et moi.»

C’est ce triumvirat qui a l’idée d’une manifestat­ion hors du commun en Suisse. Son originalit­é? Elle investit toutes les communes genevoises, même et surtout les moins portées sur la culture. Chaque hiver depuis 2011, 40000 à 50000 Genevois bravent le froid en quête d’aventures esthétique­s: un concert dans une piscine, une performanc­e dans une champignon­nière, un spectacle dans la carrière du Salève, etc.

Si Claude Ratzé abandonne Antigel au bout de trois ans, Eric Linder et Thuy-San Dinh en sont toujours les âmes fortes. L’histoire aurait pu mal tourner pourtant. A l’origine, ces deux ardents vivent en couple. «Dans un premier temps, nous séparions vie privée et travail, raconte Eric Linder. Mais le festival a grandi et il a envahi notre sphère intime. Nous sommes alors partis dans des directions opposées. Le paradoxe de cette séparation, c’est que nous n’avons jamais été aussi proches profession­nellement. Cette aventure est en soi exceptionn­elle.»

Le secret de cette entente? Une complicité ancienne d’abord. Une répartitio­n des missions claire ensuite au sein d’une entreprise culturelle qui compte trois postes et demi fixes à l’année et engage pendant la période du festival près de 140 personnes. «Thuy-San est la leader, la colonne vertébrale, la gestionnai­re, poursuit Eric Linder. Je me consacre pour ma part à la communicat­ion, à l’image du festival, à ce qu’il raconte. Et je m’occupe du pilotage artistique, inspiré aussi de mon métier de musicien que je continue d’exercer.»

Un duo presque parfait alors? Des désaccords peuvent surgir, mais ils sont transcendé­s par une vision partagée du festival. «On se considère d’abord au service d’un projet. Nous sommes l’un et l’autre les garants d’un concept, nous avons l’un et l’autre la volonté de l’enrichir et de le renouveler.»

Au jour le jour, Eric Linder et ThuySan Dinh se démènent sur tous les fronts: élaborer un nouveau projet, convaincre les élus d’une commune genevoise, imaginer une création dans un lieu insensé… «Diriger, c’est batailler. A deux, nous sommes tellement forts.»

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