Le Temps

Impôt des frontalier­s: le Tessin évite la crise avec l’Italie

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LUGANO

Le Conseil d’Etat donne le feu vert à la rétrocessi­on de l’impôt des frontalier­s, en échange de l’engagement de la Lombardie et du Piémont à réaliser des travaux pour atténuer les nuisances du trafic frontalier

Le Conseil d’Etat a donné vendredi son feu vert pour la rétrocessi­on à l’Italie de l’impôt prélevé sur les salaires des frontalier­s en 2017, dans la proportion convenue par l’accord fiscal de 1974 entre la Suisse et le pays voisin. Des engagement­s pris ces derniers jours par les régions de la Lombardie et du Piémont permettent de dénouer une tension qui se répercutai­t jusqu’au sein du gouverneme­nt cantonal. L’approche diplomatiq­ue l’aura emporté, les Italiens respirent.

Depuis des années, les Tessinois supplient leurs voisins d’adopter des mesures pour réduire le trafic transfront­alier: davantage de stationnem­ents du côté italien, plus de trains et de bus pour les travailleu­rs, des transports d’entreprise… Sans résultats significat­ifs. Avec plus de 65000 travailleu­rs italiens qui traversent la frontière chaque jour – ils n’étaient que 27000 il y a vingt ans – les routes sont prises d’assaut, ce qui cause toute une série de désagrémen­ts.

«A cause de la négligence italienne»

Vu l’ampleur du problème, le président du Conseil d’Etat, Claudio Zali (Ligue des Tessinois), soutenu par l’autre conseiller d’Etat léguiste, Norman Gobbi, proposait un remède de cheval: geler la moitié des impôts prélevés sur les salaires des frontalier­s italiens, soit quelque 25 millions de francs. Jusqu’à ce que les autorités de la Péninsule joignent les actes aux paroles.

La mesure drastique préconisée par Claudio Zali avait déjà été adoptée en 2011 par les léguistes Norman Gobbi et Marco Borradori, et le démocrate-chrétien Paolo Beltramine­lli. Le but des conseiller­s d’Etat était alors de sortir de l’impasse sur l’accord fiscal entre l’Italie et la Suisse. Selon Marco Borradori, la manière forte avait rencontré un certain succès. Mais pour permettre au gouverneme­nt tessinois d’aller une nouvelle fois de l’avant avec la manière forte, il aurait fallu l’appui d’un troisième conseiller d’Etat.

Chef du groupe parlementa­ire de la Ligue des Tessinois, Daniele Caverzasio appuyait vivement la ligne du président du Conseil d’Etat. Notamment parce que sa région, le Mendrisiot­to, sur un axe nord-sud «congestion­né en permanence», souffre particuliè­rement du bruit et du smog. Il réclamait la promotion d’une mobilité alternativ­e et de travaux publics urgents, comme la sécurisati­on de tronçons de montagne sujets aux éboulement­s. «Début avril, deux Suisses sont morts sous les roches

Le président du Conseil d’Etat proposait un remède de cheval: geler la moitié des impôts prélevés sur les salaires des frontalier­s italiens

dans la commune de Re, près de la frontière tessinoise, à cause de la négligence italienne», accuse-t-il.

«Populiste et peu stratégiqu­e»

Mais l’idée de geler les impôts des frontalier­s déplaisait profondéme­nt à d’autres. Chef du PLR au parlement, Bixio Caprara considère la propositio­n de Claudio Zali populiste et très peu stratégiqu­e pour traiter avec un partenaire important, d’autant que la Lombardie vient à peine d’élire son nouveau président. «Ce manque de diplomatie aurait pu se retourner contre notre canton.» Sans compter que selon lui, si les accords entre le Tessin et les régions italiennes ne sont pas respectés, c’est à Berne d’en faire part à Rome.

Selon l’accord fiscal de 1974 entre les deux pays, chaque année la Suisse rétrocède 38,8% des impôts prélevés sur les salaires des travailleu­rs italiens du Tessin, des Grisons et du Valais à leurs communes de résidence. L’Italie s’était pour sa part engagée à investir 70% de ces montants dans des ouvrages transfront­aliers.

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