Quelle confidentialité du CICR?
Les articles récemment consacrés au Comité international de la Croix-Rouge (LT des 11 mai et 9 juin 2018) soulèvent plusieurs questions. Le CICR est-il encore fidèle à son mandat, à sa mission ainsi qu'aux Principes fondamentaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui le gouvernent? Vous mentionnez que «la discrétion de l'organisation n'est pas un fait nouveau», ajoutant que «le CICR a bien perçu le danger, publiant en avril de nouvelles directives sur les devoirs de discrétion des anciens et actuels collaborateurs». Effectivement, mais de quelle «discrétion» est-il question? Les collaborateurs du CICR sont appelés à signer un engagement de discrétion lors de leur entrée en fonction. Cette discrétion, ou «clause de confidentialité», est essentielle afin de s'assurer de la confiance des parties aux conflits ainsi que de celle des victimes que le CICR protège et assiste, notamment les prisonniers de guerre et les détenus politiques. Elle est au coeur de l'action du délégué du CICR: inspirer la confiance dont il doit bénéficier pour mener à bien sa mission. […] C'est ainsi depuis 150 ans! Aujourd'hui, la discrétion que la gouvernance du CICR tente d'imposer, partie constituante de ce que certains collaborateurs considèrent comme «l'omerta», n'a rien à voir avec ce que l'on pourrait appeler une «confidentialité fonctionnelle». Il s'agit pour le président et les dirigeants du CICR de prévenir tout débat (et toute fuite) sur des choix stratégiques liés essentiellement à la participation active du président du CICR au Conseil de fondation du World Economic Forum (WEF). La confusion, voire la fusion des activités et intérêts du CICR avec ceux du WEF, engendrée par le rôle d'une seule et même personne, le président du CICR, est contraire au mandat que la communauté internationale a confié au CICR. La contribution du président du CICR à l'élaboration de l'agenda idéologique néolibéral du WEF n'a pas à être discutée dans le cadre d'un huis clos de l'Assemblée du CICR. Il est donc important de débattre publiquement de la gestion actuelle du CICR car cela ne relève aucunement d'une quelconque «confidentialité», cette dernière s'appliquant à l'action du CICR dans le cadre de la mise en oeuvre de sa mission humanitaire. […] La confidentialité du CICR a-t-elle pour finalité de «protéger les victimes des conflits» ou de protéger les membres de l'Assemblée du CICR et son président? L'indépendance reconnue du CICR a-t-elle pour objet de lui permettre de s'éloigner de son mandat à l'abri des regards et de toute critique? Signataire de l'accord de siège de 1993, le Conseil fédéral suisse pourrait peutêtre nous éclairer à ce sujet.
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