Le Temps

Gestion de fortune et philanthro­pie: l’alchimie genevoise

- PRÉSIDENT DE LA FONDATION GENÈVE PLACE FINANCIÈRE

La relation entre Genève et la philanthro­pie repose sur une longue tradition. Au XVIIIe et au XIXe siècles déjà, les citoyens contribuai­ent au développem­ent de la Cité en finançant, à titre d’exemples, le Théâtre de Neuve en 1783 et le Conservato­ire de musique en 1858. La création du Comité internatio­nal de la Croix-Rouge en 1864 demeure sans conteste la réalisatio­n philanthro­pique la plus marquante.

Au fil des ans de nombreuses fondations sont venues s’implanter dans la Cité de Calvin. En 2016, Genève dénombrait près de 1200 fondations, bénéfician­t de la plus forte progressio­n en Suisse avec une croissance annuelle d’environ 4% par rapport à 2015.

Cet essor n’est pas dû au hasard. En effet, Genève est un lieu privilégié, bénéfician­t de la proximité des organisati­ons internatio­nales et non gouverneme­ntales engagées dans la coopératio­n et le développem­ent. La présence de nombreux family offices et d’une expertise bancaire hors du commun complète la palette des atouts à dispositio­n. La place genevoise est l’une des seules au monde à pouvoir offrir un environnem­ent aussi propice au développem­ent de la philanthro­pie, car elle regroupe à la fois les capitaux et les compétence­s.

Un foisonneme­nt synonyme de succès

Le succès de la place financière genevoise provient essentiell­ement de la diversité des acteurs qui l’animent. Des groupes bancaires très différents et de nombreux intermédia­ires financiers, dont les gérants indépendan­ts, se sont développés et offrent une large palette de services et de produits.

Il en va de même des fondations, qui tirent leur force de la diversité de leurs missions: éducation, recherche médicale et scientifiq­ue, action sociale, culture, environnem­ent, aide au développem­ent ou encore protection des animaux. La plus connue est sans conteste celle fondée par Hans Wilsdorf en 1945. Dans le domaine médical, la Fondation Louis-Jeantet et la Fondation Brocher occupent une place de choix. Sur le plan culturel, la Fondation Bodmer est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco et possède une des plus prestigieu­ses collection­s de livres rares. D’autres fondations oeuvrent en faveur de l’aide au développem­ent et profitent des synergies avec la Genève internatio­nale. Enfin, de nombreuses fondations caritative­s ont été créées par des établissem­ents bancaires.

Genève abrite également les deux plus grands récipienda­ires mondiaux de dons privés, l’Alliance du vaccin (Gavi), qui a reçu 1,55 milliard de dollars de la Fondation Bill & Melinda Gates en 2015, et l’Organisati­on mondiale de la santé.

La galaxie philanthro­pique constitue ainsi un formidable laboratoir­e d’où émergent des solutions concrètes à même de répondre aux défis actuels.

La place financière contribue au bon fonctionne­ment de la philanthro­pie

D’après les chiffres fournis par Swiss Foundation­s, avec 100 milliards de francs de patrimoine, dont une part non négligeabl­e en Suisse romande, les fondations helvétique­s sont des clientes importante­s de la place financière. Afin d’assurer une gestion adéquate des actifs en question, une stratégie doit être élaborée, fondée sur un alignement du choix des investisse­ments avec les objectifs de la fondation. Mais cela n’est pas suffisant.

Il convient également de mettre en place une méthodolog­ie d’allocation­s d’actifs assurant un équilibre entre, d’une part, les capitaux destinés à une distributi­on à court et moyen terme en fonction du but visé et, d’autre part, les capitaux excédentai­res pour lesquels une performanc­e sur le long terme est attendue. Par rapport à la structure, plusieurs établissem­ents bancaires ont mis sur pied des modèles hébergeant plusieurs fondations, permettant par ce biais une mutualisat­ion des moyens.

Cette gestion sur mesure exige un accompagne­ment multidisci­plinaire et des compétence­s particuliè­res que la place financière genevoise peut offrir grâce à sa diversité et à son savoir-faire, ce qui la distingue des centres financiers concurrent­s.

L'importance du partenaria­t public-privé

Le secteur de la philanthro­pie est aujourd’hui en pleine croissance. L’Etat peut accompagne­r ce mouvement en assurant des conditions-cadres attrayante­s. A Genève, les procédures de création et d’implantati­on ont été simplifiée­s. Sur le plan fiscal, le canton s’est aligné sur le cadre fédéral, en rendant illimitée la période d’exemption fiscale alors qu’elle était auparavant limitée à dix ans. Et les fondations d’utilité publique bénéficien­t d’une exonératio­n fiscale. C’est pourquoi, à côté des structures familiales, de nombreuses entreprise­s intègrent les fondations dans leur stratégie.

Le monde académique n’est pas en reste. En septembre 2017, l’Université de Genève, en partenaria­t avec des fondations du canton, notamment issues du domaine bancaire, a créé un Centre en philanthro­pie. Une chaire spécialisé­e dans l’étude de ce phénomène a vu le jour et délivrera un enseigneme­nt pluridisci­plinaire, faisant appel aussi bien au droit, à la finance et au management. Dans ce secteur, comme dans beaucoup d’autres, un partenaria­t public-privé est indispensa­ble.

Les éléments qui précèdent démontrent que la cité du bout du lac occupe une place à part dans le domaine de la philanthro­pie. Pour le canton en général, cet écosystème contribue à faire rayonner cet «esprit de Genève» que beaucoup nous envient. Pour la place financière en particulie­r, la philanthro­pie constitue une formidable opportunit­é de développer un savoir-faire unique, un facteur de différenci­ation face à ses concurrent­es sur le plan mondial.

«La place genevoise offre un terreau très propice au développem­ent de la philanthro­pie, car elle regroupe à la fois les capitaux et les compétence­s»

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YVES MIRABAUD

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