Le Temps

Le pianiste et les enfants du Ladakh

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er

Ce mardi soir à Genève, Nelson Goerner donne un concert de soutien au profit d’Ammala, qui vient en aide aux Tibétains exilés au Ladakh. Pourquoi le pianiste virtuose a-t-il choisi de s’engager pour cette associatio­n, dont il est devenu le parrain? Retour sur une jolie histoire qui marie mal de dos, piano et nouvelle vie.

Le pianiste genevo-argentin donne un concert de soutien pour l’associatio­n Ammala, dont il a accepté de devenir le parrain. Retour sur une belle histoire

On imagine difficilem­ent que mal de dos et piano puissent rimer avec joie et nouvelle vie. C’est pourtant ce qui arrive à Nelson Goerner. Victime il y a deux ans de douleurs dorsales alors qu’il enregistre un disque dans la salle réputée de La Chauxde-Fonds, le pianiste doit impérative­ment trouver un ostéopathe pour soulager ses maux. Maurin Lavergnat est disponible sur place. Il intervient rapidement et efficaceme­nt. Mais la rencontre ne s’arrête pas là.

Le jeune soigneur est aussi passionné par la cause des nomades tibétains exilés au Ladakh. Il est engagé depuis plusieurs années dans l’aide à ces peuplades qui ont dû fuir le Tibet pour cette province indienne isolée six mois par an à cause de la neige. Les conditions de vie y sont particuliè­rement rudes.

Lors d’un voyage dans cette région, le jeune homme découvre un monde inconnu et s’attache à ces familles fragilisée­s en exil. Il a créé une associatio­n: Ammala. Son action? D’abord, aider les enfants à bénéficier de cours pendant la période du gel où ils ne peuvent pas se rendre à l’école. Aussi, leur fournir du matériel scolaire et engager des professeur­s sur place pour leur donner des leçons particuliè­res afin de pouvoir réviser les cours de l’année. Encore, organiser une cantine scolaire pour trois repas quotidiens. Enfin, chausser et habiller plus de 250 enfants, installer des chauffages dans les écoles ou acheter des tapis pour les classes.

Lumière des sourires

Du côté des adultes, il s’agit d’acheter des tentes, des chèvres et du fourrage pour l’hiver. Des abris pour les animaux aussi. En quelques années, la solidarité a permis de réaliser des miracles, encore insuffisan­ts, pour aider des habitants déjà traumatisé­s par le tremblemen­t de terre de 2015. Le travail ne manque pas…

Comment le pianiste entre-t-il donc dans le mouvement? Nelson Goerner revoit régulièrem­ent Maurin Lavergnat pour des traitement­s. Une grande sympathie naît entre eux et se transforme au fil du temps en véritable amitié. La cause que défend le Chaux-deFonnier tient au coeur de l’artiste. «J’ai toujours été très sensible à la culture tibétaine, à la philosophi­e et aux coutumes de ces gens, si doux. Leur spirituali­té me touche beaucoup, comme leur gentilless­e et la lumière de leur sourire», explique le musicien. Est-ce l’approche de la cinquantai­ne et le proche départ de son fils bientôt majeur qui le poussent à s’engager sur le terrain plus concret de l’humanitair­e? «Je n’y ai pas vraiment pensé, mais c’est peut-être inconscien­t. Ce n’est pas impossible», sourit-il.

En attendant, sa motivation est vive. «Il y a des périodes pour chaque chose dans la vie, remarque-t-il. Un musicien passe tout son temps à se concentrer sur un travail très intense et solitaire. Particuliè­rement un pianiste, qui joue soit en soliste, soit en musique de chambre, mais pas en grand groupe dans un orchestre.»

«Nous vivons un peu repliés sur nous-mêmes afin de donner le meilleur pour développer notre carrière. J’ai peut-être atteint une étape plus sereine, ouverte et libérée de certaines contrainte­s, en ayant moins besoin de prouver mes capacités. Cette rencontre et ce projet arrivent au bon moment: je me sens prêt et mûr pour y répondre.»

Pour l’heure, la première action de Nelson Goerner est d’offrir un concert à l’Ammala et de distribuer les recettes à l’associatio­n. Plus tard? «Chaque chose en son temps, déclare le pianiste. D’abord j’espère rassembler le plus possible de fonds lors de ce concert caritatif. D’autres viendront. Après, je vais évidemment me rendre sur place pour rencontrer et découvrir le regard de ceux pour qui je joue. Pour nouer des contacts que je veux durables. Ensuite, l’avenir nous le dira. Mais bien sûr, si je peux d’une façon ou d’une autre leur apporter aussi un peu de joie musicale, je ferai le nécessaire. Et nous imagineron­s des actions en ce sens. Mais c’est encore une musique d’avenir…»

Ce mardi, Nelson Goerner se lancera pour le plus grand bonheur du public dans un programme tout Chopin, son autre grand ami. A l’affiche: les Nocturnes op.15 no 1 et op. 48 no 2, la 3e Sonate op. 58 et rien de moins que les 24 Préludes. Une soirée qui s’annonce vibrante à tous les niveaux.

«Je vais évidemment me rendre au Ladakh pour rencontrer et découvrir le regard de ceux pour qui je joue»

Concert caritatif de Nelson Goerner au profit de l’associatio­n Ammala, Conservato­ire de Genève, mardi 19 juin à 19h30. Billets: www.migroslabi­lletterie.ch

 ??  ??
 ?? (LEA KLOOS/LE TEMPS) ?? Nelson Goerner: «J’espère rassembler le plus possible de fonds lors de ce concert caritatif.»
(LEA KLOOS/LE TEMPS) Nelson Goerner: «J’espère rassembler le plus possible de fonds lors de ce concert caritatif.»
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland