Le pianiste et les enfants du Ladakh
Ce mardi soir à Genève, Nelson Goerner donne un concert de soutien au profit d’Ammala, qui vient en aide aux Tibétains exilés au Ladakh. Pourquoi le pianiste virtuose a-t-il choisi de s’engager pour cette association, dont il est devenu le parrain? Retour sur une jolie histoire qui marie mal de dos, piano et nouvelle vie.
Le pianiste genevo-argentin donne un concert de soutien pour l’association Ammala, dont il a accepté de devenir le parrain. Retour sur une belle histoire
On imagine difficilement que mal de dos et piano puissent rimer avec joie et nouvelle vie. C’est pourtant ce qui arrive à Nelson Goerner. Victime il y a deux ans de douleurs dorsales alors qu’il enregistre un disque dans la salle réputée de La Chauxde-Fonds, le pianiste doit impérativement trouver un ostéopathe pour soulager ses maux. Maurin Lavergnat est disponible sur place. Il intervient rapidement et efficacement. Mais la rencontre ne s’arrête pas là.
Le jeune soigneur est aussi passionné par la cause des nomades tibétains exilés au Ladakh. Il est engagé depuis plusieurs années dans l’aide à ces peuplades qui ont dû fuir le Tibet pour cette province indienne isolée six mois par an à cause de la neige. Les conditions de vie y sont particulièrement rudes.
Lors d’un voyage dans cette région, le jeune homme découvre un monde inconnu et s’attache à ces familles fragilisées en exil. Il a créé une association: Ammala. Son action? D’abord, aider les enfants à bénéficier de cours pendant la période du gel où ils ne peuvent pas se rendre à l’école. Aussi, leur fournir du matériel scolaire et engager des professeurs sur place pour leur donner des leçons particulières afin de pouvoir réviser les cours de l’année. Encore, organiser une cantine scolaire pour trois repas quotidiens. Enfin, chausser et habiller plus de 250 enfants, installer des chauffages dans les écoles ou acheter des tapis pour les classes.
Lumière des sourires
Du côté des adultes, il s’agit d’acheter des tentes, des chèvres et du fourrage pour l’hiver. Des abris pour les animaux aussi. En quelques années, la solidarité a permis de réaliser des miracles, encore insuffisants, pour aider des habitants déjà traumatisés par le tremblement de terre de 2015. Le travail ne manque pas…
Comment le pianiste entre-t-il donc dans le mouvement? Nelson Goerner revoit régulièrement Maurin Lavergnat pour des traitements. Une grande sympathie naît entre eux et se transforme au fil du temps en véritable amitié. La cause que défend le Chaux-deFonnier tient au coeur de l’artiste. «J’ai toujours été très sensible à la culture tibétaine, à la philosophie et aux coutumes de ces gens, si doux. Leur spiritualité me touche beaucoup, comme leur gentillesse et la lumière de leur sourire», explique le musicien. Est-ce l’approche de la cinquantaine et le proche départ de son fils bientôt majeur qui le poussent à s’engager sur le terrain plus concret de l’humanitaire? «Je n’y ai pas vraiment pensé, mais c’est peut-être inconscient. Ce n’est pas impossible», sourit-il.
En attendant, sa motivation est vive. «Il y a des périodes pour chaque chose dans la vie, remarque-t-il. Un musicien passe tout son temps à se concentrer sur un travail très intense et solitaire. Particulièrement un pianiste, qui joue soit en soliste, soit en musique de chambre, mais pas en grand groupe dans un orchestre.»
«Nous vivons un peu repliés sur nous-mêmes afin de donner le meilleur pour développer notre carrière. J’ai peut-être atteint une étape plus sereine, ouverte et libérée de certaines contraintes, en ayant moins besoin de prouver mes capacités. Cette rencontre et ce projet arrivent au bon moment: je me sens prêt et mûr pour y répondre.»
Pour l’heure, la première action de Nelson Goerner est d’offrir un concert à l’Ammala et de distribuer les recettes à l’association. Plus tard? «Chaque chose en son temps, déclare le pianiste. D’abord j’espère rassembler le plus possible de fonds lors de ce concert caritatif. D’autres viendront. Après, je vais évidemment me rendre sur place pour rencontrer et découvrir le regard de ceux pour qui je joue. Pour nouer des contacts que je veux durables. Ensuite, l’avenir nous le dira. Mais bien sûr, si je peux d’une façon ou d’une autre leur apporter aussi un peu de joie musicale, je ferai le nécessaire. Et nous imaginerons des actions en ce sens. Mais c’est encore une musique d’avenir…»
Ce mardi, Nelson Goerner se lancera pour le plus grand bonheur du public dans un programme tout Chopin, son autre grand ami. A l’affiche: les Nocturnes op.15 no 1 et op. 48 no 2, la 3e Sonate op. 58 et rien de moins que les 24 Préludes. Une soirée qui s’annonce vibrante à tous les niveaux.
«Je vais évidemment me rendre au Ladakh pour rencontrer et découvrir le regard de ceux pour qui je joue»
Concert caritatif de Nelson Goerner au profit de l’association Ammala, Conservatoire de Genève, mardi 19 juin à 19h30. Billets: www.migroslabilletterie.ch