Le Temps

Expliquer l’égalité à défaut de la vivre

- PHILIPPE NANTERMOD @nantermod

Le parlement fédéral a adopté une révision du Code des obligation­s qui prévoit une contrainte pour les sociétés cotées en bourse de se positionne­r sur la présence des femmes dans ses conseils lorsqu’elles sont fortement sous-représenté­es. Un coup de pouce peu bureaucrat­ique qui pourrait faire avancer les choses dans le bon sens. J’ai accepté les «quotas». Ceux qui se sont joués à une voix près. Ceux qui ne sont pas vraiment des quotas. Les sociétés cotées en bourse devront s’expliquer si elles ne font pas assez bien. Dans leur rapport de rémunérati­on. Ces boîtes qui pondent des rapports annuels gros comme un bottin de téléphone zurichois y ajouteront quelques lignes sur l’égalité. On a vu plus contraigna­nt.

L’égalité n’est pas qu’une marotte de la gauche. J’aurais pu être sensibilis­é à ce problème dans mon activité politique. Dans une société où, près de cinquante ans après l’introducti­on du suffrage féminin, les femmes occupent difficilem­ent un quart des sièges. Et où elles sont les seules à se farcir les questions sur l’éducation et les tâches ménagères lorsqu’elles se présentent au Conseil fédéral.

Mais c’est plutôt dans ma petite étude d’avocat que j’ai pris conscience du grand problème. Le divorce est le pain quotidien des avocats, en tout cas de ceux qui démarrent. Et c’est avec ces affaires qu’on met le nez dans les histoires de familles. Que l’on demande qui s’occupe des mômes. Qui renonce à sa carrière. Qui encaisse. Et, à la fin, au moment du divorce, qui finit par «raquer».

L’égalité n’est pas un truc de femmes. Les hommes aussi sont les victimes d’une répartitio­n sociale des rôles qui ne correspond plus aux aspiration­s des individus, du moins de la moitié qui finit par divorcer. Quand on met un terme au contrat conclu pour la vie, il reste généraleme­nt deux personnes. Meurtries et appauvries. Les grandes théories apprises à l’université font pâle figure lorsqu’on entend celui qui se saigne pour payer les contributi­ons de son ex qui ne trouve plus une place convenable. Et les conséquenc­es vont bien au-delà de la seule question du divorce.

Je n’étais pas né lorsque le peuple et les cantons ont inscrit l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans la Constituti­on. Les inégalités structurel­les ont la peau dure. Les mesures utiles et raisonnabl­es sont rares, alors appliquons au moins celles-ci. Comme adopter un congé parental et ouvrir des crèches (de la responsabi­lité des cantons, mais c’est un autre débat). Ou demander aux sociétés cotées en bourse de réfléchir à l’égalité, à défaut de la vivre.

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