Revenus des médecins: l’heure de se mettre d’accord sur les chiffres!
La polémique continue d’être habilement entretenue sur le revenu des médecins indépendants, déjà confondu en ce début d’année par notre ministre fédéral de la Santé avec le chiffre d’affaires global du cabinet. Dans une interview donnée le 4 juin au Temps, où il évoque l’essoufflement de notre système de santé, le conseiller d’Etat vaudois PierreYves Maillard en a profité pour dénoncer des médecins installés qui optimiseraient de manière malhonnête leurs revenus grâce à «l’immense latitude» laissée par TarMed, pointant ainsi les coupables de la hausse des coûts de la santé et des primes.
On se doit une fois encore de réclamer un peu d’objectivité chiffrée sur cette question, afin de pouvoir discuter sereinement de solutions pérennes. A cet égard, les résultats de l’enquête MAS 2017 («Medical Ambulatory – Structure») réalisée par l’Office fédéral de la statistique (OFS), sont intéressants à plus d’un titre.
Premièrement, ils proviennent directement du terrain sans transiter par Sasis SA, la filiale de Santésuisse qui reste étrangement la source statistique exclusive de l’OFSP (Office fédéral de la santé publique) et de nos autorités cantonales. Deuxièmement, avec un taux de réponse élevé (7000 cabinets et centres médicaux), leur représentativité fait peu de doute, tout comme la neutralité de leur traitement, l’OFS offrant les meilleures garanties d’indépendance.
On a donc appris que pour les cabinets individuels, le chiffre d’affaires moyen à charge de l’assurance maladie obligatoire des soins (AOS) s’élève à 508000 francs, avec des charges d’exploitation de 72% (part patronale de la LPP du médecin comprise). Pour les centres médicaux, les charges (salaires des médecins employés compris) s’élèvent à 90% du chiffre d’affaires moyen (2,1 millions de francs), dont 74% incombant à l’AOS. Au final, le revenu disponible moyen des médecins à charge de l’AOS est légèrement supérieur à 140000 francs, que ce soit pour les indépendants ou les salariés d’un centre médical.
Selon l’OFS toujours, les coûts globaux de la santé ont progressé de 3,8% en 2016 (80,7 milliards de francs). Mais les médias et les politiciens ont souvent omis de relever que la croissance a été inférieure pour les cabinets médicaux (+1,5%). Pourra-t-on sérieusement continuer de justifier les prochaines hausses de primes en fustigeant exclusivement les cabinets médicaux? On se doit de souligner que le chiffre d’affaires total des cabinets ne représente que 23% des coûts à charge de l’AOS, donc des primes. Quant aux revenus des médecins, c’est 6,5%! En comparaison internationale, une enquête d’UBS révèle par ailleurs que le pouvoir d’achat des médecins praticiens exerçant en ville est parmi les moins élevés des pays occidentaux.
C’est dans ce contexte que la Société vaudoise de médecine (SVM), l’Association des médecins du canton de Genève (AMGe), la Société médicale du canton de Fribourg (SMCF), la Société médicale du canton du Jura (SMCJU) et la Société neuchâteloise de médecine (SMN) soutiennent déjà la motion que viennent de déposer les conseillers nationaux Adèle Thorens-Goumaz et Oliver Feller, enjoignant au Conseil fédéral de confier l’établissement de statistiques incontestées sur les coûts de la santé à un organisme indépendant, idéalement l’OFS. L’objectif est de disposer d’une base claire pour toutes les réflexions et adaptations nécessaires du financement de notre système de santé. Puisse cette démarche constructive nous permettre de dépasser le stade des polémiques futiles au regard des vrais enjeux.
COSIGNATAIRES MICHEL MATTER PRÉSIDENT DE L’AMGE, VICE-PRÉSIDENT DE LA FMH JEAN-MARIE MICHEL PRÉSIDENT DE LA SMCF CLAUDE SCHWARZ PRÉSIDENT DE LA SMCJU WALTER GUSMINI PRÉSIDENT DE LA SNM
Le Conseil fédéral doit confier l’établissement de statistiques incontestées sur les coûts de la santé à un organisme indépendant