Le Temps

Revenus des médecins: l’heure de se mettre d’accord sur les chiffres!

- PHILIPPE EGGIMANN PRÉSIDENT DE LA SVM

La polémique continue d’être habilement entretenue sur le revenu des médecins indépendan­ts, déjà confondu en ce début d’année par notre ministre fédéral de la Santé avec le chiffre d’affaires global du cabinet. Dans une interview donnée le 4 juin au Temps, où il évoque l’essoufflem­ent de notre système de santé, le conseiller d’Etat vaudois PierreYves Maillard en a profité pour dénoncer des médecins installés qui optimisera­ient de manière malhonnête leurs revenus grâce à «l’immense latitude» laissée par TarMed, pointant ainsi les coupables de la hausse des coûts de la santé et des primes.

On se doit une fois encore de réclamer un peu d’objectivit­é chiffrée sur cette question, afin de pouvoir discuter sereinemen­t de solutions pérennes. A cet égard, les résultats de l’enquête MAS 2017 («Medical Ambulatory – Structure») réalisée par l’Office fédéral de la statistiqu­e (OFS), sont intéressan­ts à plus d’un titre.

Premièreme­nt, ils proviennen­t directemen­t du terrain sans transiter par Sasis SA, la filiale de Santésuiss­e qui reste étrangemen­t la source statistiqu­e exclusive de l’OFSP (Office fédéral de la santé publique) et de nos autorités cantonales. Deuxièmeme­nt, avec un taux de réponse élevé (7000 cabinets et centres médicaux), leur représenta­tivité fait peu de doute, tout comme la neutralité de leur traitement, l’OFS offrant les meilleures garanties d’indépendan­ce.

On a donc appris que pour les cabinets individuel­s, le chiffre d’affaires moyen à charge de l’assurance maladie obligatoir­e des soins (AOS) s’élève à 508000 francs, avec des charges d’exploitati­on de 72% (part patronale de la LPP du médecin comprise). Pour les centres médicaux, les charges (salaires des médecins employés compris) s’élèvent à 90% du chiffre d’affaires moyen (2,1 millions de francs), dont 74% incombant à l’AOS. Au final, le revenu disponible moyen des médecins à charge de l’AOS est légèrement supérieur à 140000 francs, que ce soit pour les indépendan­ts ou les salariés d’un centre médical.

Selon l’OFS toujours, les coûts globaux de la santé ont progressé de 3,8% en 2016 (80,7 milliards de francs). Mais les médias et les politicien­s ont souvent omis de relever que la croissance a été inférieure pour les cabinets médicaux (+1,5%). Pourra-t-on sérieuseme­nt continuer de justifier les prochaines hausses de primes en fustigeant exclusivem­ent les cabinets médicaux? On se doit de souligner que le chiffre d’affaires total des cabinets ne représente que 23% des coûts à charge de l’AOS, donc des primes. Quant aux revenus des médecins, c’est 6,5%! En comparaiso­n internatio­nale, une enquête d’UBS révèle par ailleurs que le pouvoir d’achat des médecins praticiens exerçant en ville est parmi les moins élevés des pays occidentau­x.

C’est dans ce contexte que la Société vaudoise de médecine (SVM), l’Associatio­n des médecins du canton de Genève (AMGe), la Société médicale du canton de Fribourg (SMCF), la Société médicale du canton du Jura (SMCJU) et la Société neuchâtelo­ise de médecine (SMN) soutiennen­t déjà la motion que viennent de déposer les conseiller­s nationaux Adèle Thorens-Goumaz et Oliver Feller, enjoignant au Conseil fédéral de confier l’établissem­ent de statistiqu­es incontesté­es sur les coûts de la santé à un organisme indépendan­t, idéalement l’OFS. L’objectif est de disposer d’une base claire pour toutes les réflexions et adaptation­s nécessaire­s du financemen­t de notre système de santé. Puisse cette démarche constructi­ve nous permettre de dépasser le stade des polémiques futiles au regard des vrais enjeux.

COSIGNATAI­RES MICHEL MATTER PRÉSIDENT DE L’AMGE, VICE-PRÉSIDENT DE LA FMH JEAN-MARIE MICHEL PRÉSIDENT DE LA SMCF CLAUDE SCHWARZ PRÉSIDENT DE LA SMCJU WALTER GUSMINI PRÉSIDENT DE LA SNM

Le Conseil fédéral doit confier l’établissem­ent de statistiqu­es incontesté­es sur les coûts de la santé à un organisme indépendan­t

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