Le Temps

Les banques suisses que nous n’avons pas vu grandir

- XAVIER PINTADO BCGE ASSET MANAGEMENT

Tout le monde connaît les banques cantonales, qui font partie intégrante depuis bien longtemps du tissu économique et de l'histoire suisse. La plus ancienne, la BCGE, a été fondée en 1816; Napoléon venait d'abdiquer, prélude à un certain retour au calme sur le continent européen.

La plus jeune des banques cantonales a été fondée en 1979, une année après la reconnaiss­ance du nouveau canton du Jura par le peuple suisse. Mais malgré leur longévité, la vie des banques cantonales n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Les années 90 ont été particuliè­rement éprouvante­s, avec la disparitio­n des banques cantonales du demi-canton d'Appenzell Rhodes-Extérieure­s et du canton de Soleure. D'autres ont éprouvé quelques difficulté­s mais ont pu se ressaisir.

Aujourd'hui les banques cantonales sont au nombre de vingtquatr­e et se portent plutôt bien. Elles sont un peu comme nos enfants: à force de les côtoyer au quotidien, on ne les voit pas croître. Et pourtant elles ont bien grandi. Alors qu'à fin 2007 l'ensemble de leurs bilans consolidés se chiffrait à 371 milliards de francs, dix ans plus tard, à fin 2017, le même bilan collectif valait 595 milliards. Cette croissance, ce sont 224 milliards de moyens supplément­aires que les banques cantonales ont mis au service de l'économie, que ce soit sous forme d'hypothèque­s, de prêts aux entreprise­s ou encore de support aux collectivi­tés publiques. Leur contributi­on à l'économie suisse a été essentiell­e, pendant une période qui a vu les grandes banques internatio­nales subir les effets d'une crise aux retombées mondiales.

Le fait que la croissance des bilans des banques cantonales ait pu se faire de manière harmonieus­e est particuliè­rement remarquabl­e dans ce contexte. Il est en effet important que la croissance des bilans s'accompagne d'une croissance des fonds propres. Ceux du collectif des banques cantonales sont passés de 33,6 milliards de francs à 48,1 milliards sur la même période de dix ans. Une croissance régulière qui se traduit par un rapport «fonds propres comptables sur masse du bilan» resté proche des 8% tout au long de la période. Il faut souligner à quel point les fonds propres sont un élément vital dans le bilan d'une banque parce que ce sont eux qui amortissen­t les secousses lorsque le contexte ambiant devient plus inégal.

Quand les fonds propres baissent de manière significat­ive par rapport à la masse du bilan, la banque est fragilisée. En mettant l'accent sur une croissance harmonieus­e, les banques cantonales ont su préserver ce qui est fondamenta­l pour leurs clients: la confiance, et plus particuliè­rement la confiance en la solidité de leur banque.

En rétrospect­ive, on peut considérer par bien des aspects que la trajectoir­e des banques cantonales sur les dix dernières années a été remarquabl­e. Mais qu'en pensent les investisse­urs?

Il faut d'abord préciser que, parmi les 24 banques cantonales, seules 13 sont aujourd'hui cotées auprès de la bourse suisse et qu'elles n'étaient que 11 à la fin de 2013. Les investisse­urs les apprécient, car elles sont connues pour verser un dividende intéressan­t et stable. Leur performanc­e boursière est par ailleurs excellente, puisque l'agrégat équipondér­é des banques cantonales cotées a généré un rendement annuel de 7,6% par année sur la période de janvier 2008 à avril 2018. Concrèteme­nt, un investisse­ur aurait plus que doublé son investisse­ment initial, alors que sur la même période, le marché suisse (indice SPI) a généré une performanc­e annuelle de 4,1%. La volatilité des banques cantonales se chiffre à 6,8% sur la période; c'est la moitié de celle du marché suisse des actions.

Les banques cantonales, qu'elles soient ou non cotées en bourse, s'avèrent un élément constituti­f majeur et dynamique du tissu économique local en Suisse. Elles le connaissen­t parfaiteme­nt bien puisqu'elles en font partie. Leur bonne santé est le reflet d'une politique de gestion pragmatiqu­e, à l'inverse de la mondialisa­tion ambiante. A l'heure actuelle, c'est un atout considérab­le pour les investisse­urs.

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