Le Temps

Le billet vert en pleine indécision

- VINCENT-FRÉDÉRIC MIVELAZ ANALYSTE MARCHÉ, SWISSQUOTE

Alors que les menaces de barrières commercial­es approchent leur concrétisa­tion au sein du G7 et plus particuliè­rement entre les Etats-Unis et la Chine, le Federal Open Market Committee (FOMC), l’autorité monétaire de la réserve fédérale des Etats-Unis, se trouve dans une situation extrêmemen­t délicate.

En effet, le cycle de resserreme­nt monétaire entrepris par le FOMC, ainsi que la décision prise par la Banque centrale européenne (BCE) de maintenir son taux d’intérêt directeur jusqu’à l’été 2019 ont suscité de vives réactions sur les marchés. Cela s’est traduit par une augmentati­on de la volatilité moyenne sur le marché des changes, qui a de plus été décuplée par les dernières prises de position de part et d’autre du Pacifique en implémenta­nt des mesures tarifaires dont les coûts se comptent en centaines de milliards de dollars.

Depuis la fin de l’année dernière, la Fed a commencé à réduire la taille de son bilan. De ce fait, elle diminue l’offre de dollar sur le marché et réduit donc sa liquidité. Actuelleme­nt, la banque centrale américaine retire environ 20 milliards de dollars par mois du marché. Il est vrai que la réduction de son bilan a été annoncée des mois à l’avance et que les investisse­urs ont eu le temps de s’y préparer. Malheureus­ement, entre l’annonce de la décision et sa mise en applicatio­n, l’environnem­ent, autant économique que politique, a fortement évolué. En effet, les dernières réformes de l’administra­tion Trump ne pouvaient plus mal tomber. La réforme fiscale des entreprise­s par le président Trump, qui aura pour conséquenc­e une augmentati­on du déficit public, nécessiter­a l’émission de davantage de dette de la part du gouverneme­nt. Ainsi, la mission de stabilité monétaire incombant à la Réserve fédérale semble s’avérer plutôt ardue.

Comment absorber la dette?

En conséquenc­e, en vue des flux de liquidité antinomiqu­es circulant à travers l’économie états-unienne, le Trésor américain se retrouve dans une situation difficile, où le plus gros acheteur du marché, la Fed, se retire progressiv­ement alors que les besoins de financemen­t augmentent. Dorénavant, la question consiste à savoir comment cette dette grandissan­te sera absorbée. Une hausse naturelle des taux est donc le seul scénario possible car il est peu probable que le marché puisse absorber cette dette à des conditions similaires à la Réserve fédérale des Etats-Unis.

Les conséquenc­es commencent déjà à se faire sentir. A titre d’exemple, l’US Dollar Index (mesure de la valeur du dollar américain contre un panier de devises internatio­nales) a franchi 95,13 en fin de semaine dernière, son plus haut niveau depuis mi-juillet 2017. C’est notamment les pays émergents, dont l’émission de la dette est en dollars, qui sont les premiers à en subir les conséquenc­es. En dépit de ces changement­s majeurs, le dollar semble néanmoins avoir trouvé un second souffle ces dernières semaines.

Cependant, il nous paraît peu soutenable que la récente progressio­n du dollar repose uniquement sur des fondamenta­ux économique­s ou bien sur la récente hausse des taux. Il est effectivem­ent plus probable que la baisse de l’EUR/USD s’avère essentiell­ement causée par le dernier communiqué du conseil de gouvernanc­e de la BCE. Les perspectiv­es économique­s concernant la zone euro restent fébriles, notamment sur le plan de la croissance, revue à la baisse au niveau de 2,10% au lieu de 2,40% selon les estimation­s du mois de mars 2018. Estimé à 1,1827 avant l’annonce de la BCE du jeudi 14 juin, l’EUR/USD a subi de vives résistance­s, flanchant de -1,90% à 1,1568 pour ensuite terminer à 1,1612 en fin de semaine, une réaction excessive au vu des attentes bien largement anticipées par les investisse­urs avant l’annonce.

Suivant la logique du dicton «acheter la rumeur, vendre la nouvelle», l’EUR/USD vient se stabiliser au niveau de 1,16, s’inscrivant toujours dans une tendance baissière à moyen terme. Il est néanmoins important de constater que les fondamenta­ux économique­s ne sont pas les seuls facteurs influents de cette récente chute.

En effet, en plein cycle de normalisat­ion, les mesures de politique monétaire initiées par la Fed depuis l’interrupti­on de son programme d’assoupliss­ement quantitati­f il y a quatre ans touchent bientôt à leur fin alors que celles de son homologue européen n’ont pas encore débuté. En outre, il est évident qu’un éventuel changement de posture de la part de la Fed ou de la BCE, bien que peu probable, pourrait bel et bien redistribu­er les cartes.

Par conséquent, nous estimons qu’une stabilisat­ion de l’EUR/USD aux alentours de 1,16 est maintenue jusqu’à nouvel ordre. Il faudra néanmoins toujours surveiller l’impact d’une potentiell­e entorse sur le front des accords commerciau­x entre les Etats-Unis et leurs partenaire­s, notamment les conséquenc­es sousjacent­es de potentiell­es barrières tarifaires sur leur balance commercial­e respective.

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