Le billet vert en pleine indécision
Alors que les menaces de barrières commerciales approchent leur concrétisation au sein du G7 et plus particulièrement entre les Etats-Unis et la Chine, le Federal Open Market Committee (FOMC), l’autorité monétaire de la réserve fédérale des Etats-Unis, se trouve dans une situation extrêmement délicate.
En effet, le cycle de resserrement monétaire entrepris par le FOMC, ainsi que la décision prise par la Banque centrale européenne (BCE) de maintenir son taux d’intérêt directeur jusqu’à l’été 2019 ont suscité de vives réactions sur les marchés. Cela s’est traduit par une augmentation de la volatilité moyenne sur le marché des changes, qui a de plus été décuplée par les dernières prises de position de part et d’autre du Pacifique en implémentant des mesures tarifaires dont les coûts se comptent en centaines de milliards de dollars.
Depuis la fin de l’année dernière, la Fed a commencé à réduire la taille de son bilan. De ce fait, elle diminue l’offre de dollar sur le marché et réduit donc sa liquidité. Actuellement, la banque centrale américaine retire environ 20 milliards de dollars par mois du marché. Il est vrai que la réduction de son bilan a été annoncée des mois à l’avance et que les investisseurs ont eu le temps de s’y préparer. Malheureusement, entre l’annonce de la décision et sa mise en application, l’environnement, autant économique que politique, a fortement évolué. En effet, les dernières réformes de l’administration Trump ne pouvaient plus mal tomber. La réforme fiscale des entreprises par le président Trump, qui aura pour conséquence une augmentation du déficit public, nécessitera l’émission de davantage de dette de la part du gouvernement. Ainsi, la mission de stabilité monétaire incombant à la Réserve fédérale semble s’avérer plutôt ardue.
Comment absorber la dette?
En conséquence, en vue des flux de liquidité antinomiques circulant à travers l’économie états-unienne, le Trésor américain se retrouve dans une situation difficile, où le plus gros acheteur du marché, la Fed, se retire progressivement alors que les besoins de financement augmentent. Dorénavant, la question consiste à savoir comment cette dette grandissante sera absorbée. Une hausse naturelle des taux est donc le seul scénario possible car il est peu probable que le marché puisse absorber cette dette à des conditions similaires à la Réserve fédérale des Etats-Unis.
Les conséquences commencent déjà à se faire sentir. A titre d’exemple, l’US Dollar Index (mesure de la valeur du dollar américain contre un panier de devises internationales) a franchi 95,13 en fin de semaine dernière, son plus haut niveau depuis mi-juillet 2017. C’est notamment les pays émergents, dont l’émission de la dette est en dollars, qui sont les premiers à en subir les conséquences. En dépit de ces changements majeurs, le dollar semble néanmoins avoir trouvé un second souffle ces dernières semaines.
Cependant, il nous paraît peu soutenable que la récente progression du dollar repose uniquement sur des fondamentaux économiques ou bien sur la récente hausse des taux. Il est effectivement plus probable que la baisse de l’EUR/USD s’avère essentiellement causée par le dernier communiqué du conseil de gouvernance de la BCE. Les perspectives économiques concernant la zone euro restent fébriles, notamment sur le plan de la croissance, revue à la baisse au niveau de 2,10% au lieu de 2,40% selon les estimations du mois de mars 2018. Estimé à 1,1827 avant l’annonce de la BCE du jeudi 14 juin, l’EUR/USD a subi de vives résistances, flanchant de -1,90% à 1,1568 pour ensuite terminer à 1,1612 en fin de semaine, une réaction excessive au vu des attentes bien largement anticipées par les investisseurs avant l’annonce.
Suivant la logique du dicton «acheter la rumeur, vendre la nouvelle», l’EUR/USD vient se stabiliser au niveau de 1,16, s’inscrivant toujours dans une tendance baissière à moyen terme. Il est néanmoins important de constater que les fondamentaux économiques ne sont pas les seuls facteurs influents de cette récente chute.
En effet, en plein cycle de normalisation, les mesures de politique monétaire initiées par la Fed depuis l’interruption de son programme d’assouplissement quantitatif il y a quatre ans touchent bientôt à leur fin alors que celles de son homologue européen n’ont pas encore débuté. En outre, il est évident qu’un éventuel changement de posture de la part de la Fed ou de la BCE, bien que peu probable, pourrait bel et bien redistribuer les cartes.
Par conséquent, nous estimons qu’une stabilisation de l’EUR/USD aux alentours de 1,16 est maintenue jusqu’à nouvel ordre. Il faudra néanmoins toujours surveiller l’impact d’une potentielle entorse sur le front des accords commerciaux entre les Etats-Unis et leurs partenaires, notamment les conséquences sousjacentes de potentielles barrières tarifaires sur leur balance commerciale respective.