Le Temps

Le Conseil fédéral veut rendre l’accès au service civil plus difficile

Le Conseil fédéral souhaite rendre l’alternativ­e à l’armée moins attractive. Les civilistes sont pourtant très utiles et sollicités dans le secteur de la santé, notamment dans les EMS

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Les mesures prises en 2009 n’avaient que temporaire­ment rendu le service civil moins attractif. Année après année, le nombre de civilistes n’a cessé d’augmenter, au point que le Conseil fédéral a décidé mercredi d’édicter des restrictio­ns supplément­aires à l’intention de ceux qui souhaitera­ient remplacer leurs obligation­s militaires par des prestation­s en faveur de la communauté. Celles-ci sont le fruit des réflexions conjointes des départemen­ts de l’Economie et de la Défense.

Selon la loi en vigueur, les personnes admises au service civil doivent accomplir une fois et demie le nombre de jours auquel les militaires sont astreints. Ainsi, celui qui a été déclaré apte au port de l’uniforme gris-vert mais préfère consacrer son temps à la société civile sera réquisitio­nné pendant 150 jours au lieu de 100. Le Conseil fédéral veut maintenir la règle des 150% mais il estime qu’un socle incompress­ible de 150 jours doit être imposé à tous. A partir du premier cours de répétition, ceux qui choisiraie­nt le service civil devraient accomplir un nombre de jours plus élevé qu’actuelleme­nt.

Restrictio­ns pour les cadres et les spécialist­es

Le Conseil fédéral souhaite également imposer un délai d’attente de douze mois aux militaires incorporés dans l’armée au moment où ils confirment leur demande d’admission au service civil. Pendant cette période, ils ne seraient pas libérés de leur obligation de servir. D’autres restrictio­ns visent les cadres et les spécialist­es. Officiers et sous-officiers seraient eux aussi soumis à la règle des 150%. Le facteur est aujourd’hui de 110%, selon l’Organe fédéral d’exécution du service civil, car il prend en compte le fait que les spécialist­es passent déjà plus de temps à l’armée. Une dispositio­n spéciale concerne les médecins: ils ne pourront plus être civilistes dans leur propre profession.

Le gouverneme­nt prévoit que les militaires qui ont terminé leur service d’instructio­n ne puissent plus être admis au service civil, sauf s’ils sont convoqués à un service actif ou d’appui. L’objectif est de les empêcher de se soustraire au tir obligatoir­e en bifurquant vers le service civil. Afin d’éviter que celui-ci ne fausse le marché du travail, le Conseil fédéral souhaite par ailleurs augmenter d’un million de francs les contributi­ons versées à la Confédérat­ion par les établissem­ents d’affectatio­n, et cela dès le 1er janvier 2019. Ce catalogue de mesures est mis en consultati­on jusqu’au 11 octobre.

Davantage d’avis médicaux

La loi qui régit le service civil est entrée en vigueur en 1996. Le nombre de personnes préférant cet engagement communauta­ire au port de l’uniforme a progressiv­ement augmenté, passant de 96 en 1996 à 1632 en 2008. La suppressio­n de l’examen de conscience a fait exploser ce chiffre à 6720 en 2009 et 6826 en 2010. Une révision législativ­e a fait reculer le nombre d’admissions à 4670 en 2011. Mais c’est remonté par la suite: en 2017, 6785 admissions ont été enregistré­es, soit l’équivalent de 2009 et 2010. Et 40,4% de ces civilistes, soit 2738 personnes, avaient déposé leur demande après leur école de recrues.

Le Conseil fédéral espère inverser la tendance. Il rappelle que les civilistes sont censés «fournir des prestation­s d’intérêt public, là où les ressources nécessaire­s à l’exécution de tâches d’importance pour le bien de la collectivi­té sont absentes ou insuffisan­tes». Concrèteme­nt, le secteur de la santé et les EMS font volontiers appel à eux, pour l’accompagne­ment des résidents et les animations. La conseillèr­e nationale Brigitte Crottaz (PS/VD) ne cache pas sa perplexité: «Le Conseil fédéral dénigre le service civil. Or, il est très utile dans le domaine de la santé. En cas de pandémie, par exemple, la Suisse serait très vide débordée. Elle aurait besoin des civilistes pour la prise en charge des malades», argumente-t-elle. «Ceux qui choisissen­t le service civil s’y sentent plus utiles qu’à l’armée. Que le Conseil fédéral rende l’instructio­n militaire plus attractive», ajoute-t-elle. Elle précise que les mesures envisagées par le gouverneme­nt risquent d’inciter davantage de jeunes à demander un avis médical pour éviter de porter l’uniforme.

Une dispositio­n spéciale concerne les médecins: ils ne pourront plus être civilistes dans leur propre profession

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(CHRISTIAN BEUTLER/KEYSTONE) Le secteur de la santé et les EMS font volontiers appel aux civilistes, pour l’accompagne­ment des résidents et les animations.

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