Le Temps

Matteo Salvini, «ministre de la Cruauté»

- ANTONINO GALOFARO, ROME @ToniGalofa­ro

Le nouveau ministre de l’Intérieur veut recenser les Roms, suscitant une vague d’indignatio­n en Italie. Le climat politique et social est toujours plus tendu, une semaine après les actions antiimmigr­ation du chef de la Ligue

Matteo Salvini veut recenser la communauté rom en Italie. Le secrétaire de la Ligue, parti d’extrême droite au pouvoir, semble toujours en campagne et prend encore le pas sur le nouveau ministre de l’Intérieur. Celui qui est aussi vice-premier ministre veut savoir «qui, comment, combien». Le but étant le démantèlem­ent de tous les camps sauvages, «l’expulsion des étrangers irrégulier­s» grâce à des accords avec les Etats d’origine. «Même si les Roms italiens, malheureus­ement, tu dois te les garder à la maison», ajoute-t-il dans son style provocateu­r.

A une semaine de son interdicti­on faite aux navires d’ONG étrangères d’amarrer dans les ports italiens après leurs opérations de sauvetage en Méditerran­ée, Matteo Salvini continue par son discours de cliver la société italienne. De l’ancien président du Conseil, sur Twitter, à la présidente de l’Union des communauté­s juives italiennes relayée par la presse, tous condamnent la propositio­n du ministre. «Hier les réfugiés, aujourd’hui les Roms, demain des armes à feu pour tous, écrit le démocrate Paolo Gentiloni. Qu’il est fatigant d’être méchant.» Noemi Di Segni, elle, s’inquiète car ces paroles rappellent les lois raciales «d’il y a seulement 80 ans, et tristement toujours plus oubliées».

«Nettoyage de masse»

«Le ministre de la Cruauté», comme l’a rebaptisé l’écrivain Roberto Saviano, a «transformé l’émigré et le gitan en nouvel ennemi des Italiens», regrette le quotidien La Repubblica dans son édition de mercredi. Ce discours sécuritair­e de Matteo Salvini n’est pourtant pas nouveau. Il s’est réjoui mardi de la destructio­n d’une maison dans un camp illégal près de Turin grâce à un bulldozer, en référence à ces ruspe, en italien, devenues slogan de campagne par le passé. En février dernier, avant les élections législativ­es du 4 mars, visant les clandestin­s, il promettait par exemple un «nettoyage de masse […], rue par rue, quartier par quartier, et avec la manière forte s’il le faut, car il y a des bouts entiers d’Italie hors de contrôle».

Le style Salvini crispe le Mouvement 5 étoiles, son allié de gouverneme­nt. Le leader du parti antisystèm­e, et ministre du Travail, Luigi Di Maio, ne s’est prononcé sur la question que deux jours plus tard, affirmant préférer un recensemen­t au sein de l’administra­tion publique pour débusquer les «recommandé­s», soit ces fonctionna­ires ayant obtenu un contrat grâce à une faveur plutôt qu’à leurs compétence­s. La propositio­n de son collègue à l’Intérieur tend le M5S car celui-ci ne défend pas une ligne si radicale. Un recensemen­t des Roms n’apparaît pas dans le contrat de gouverneme­nt signé par les deux partis. Au chapitre «sécurité», le texte promet notamment la fermeture de tous

Matteo Salvini s’est réjoui mardi de la destructio­n d’une maison dans un camp illégal près de Turin

les camps illégaux et l’obligation pour les mineurs d’être scolarisés, sous peine «d’éloignemen­t de la famille». Les questions qui sortent de ce contrat politique devraient être gérées par un «comité de conciliati­on».

Matteo Salvini a été sermonné par le premier ministre, Giuseppe Conte, choix commun des deux partis gouverneme­ntaux, la Ligue et le M5S. «Personne n’a à l’esprit un recensemen­t sur une base ethnique, ce qui serait par ailleurs anticonsti­tutionnel car clairement discrimina­toire», a réagi mardi le président du Conseil.

Jouissant de la confiance de 53% des Italiens, selon un sondage daté du 18 juin, le professeur de droit propulsé au sommet de l’Etat est plus populaire que le patron de la Ligue, qui se situe, lui, à 46%. Mais ce dernier reste le ministre le plus populaire du gouverneme­nt. Sa politique migratoire est appréciée par près de trois sondés sur quatre, et son parti culmine à 28% des intentions de vote, soit un demi-point derrière le M5S, premier parti d’Italie.

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