La gangrène du mercure s’étend en Valais
Le Valais continue de découvrir l’héritage empoisonné laissé par son industrie lourde. Après le Haut-Valais, c’est la région du coude du Rhône qui est touchée par une pollution au mercure
La surprise est de mise. Si l’Etat du Valais suspectait la présence de fluor dans la région de Martigny, liée aux procédés de l’ancienne usine d’aluminium, jamais il n’aurait pensé trouver du mercure. C’est pourtant ce métal qu’il a découvert aux abords des terrains sur lesquels se trouvait à l’époque l’usine de magnésium. La pollution est apparue lors d’une investigation, réalisée en avril dernier, pour les besoins du projet de protection contre les crues et la renaturation de la Dranse.
La contamination est localisée dans une couche d’anciens déchets enfouis à proximité immédiate des sites de l’usine. Le taux de mercure découvert dans ces matériaux est de 460 milligrammes par kilo de terre. A titre de comparaison, le seuil d’assainissement est de 2 milligrammes par kilo en zone habitable et de 20 milligrammes en zone agricole.
Les 3000 m2 de terrains concernés se situent, eux, en zone industrielle, pour laquelle il n’existe pas de seuil précis. Joël Rossier explique qu’il faudra donc «définir la valeur d’assainissement en fonction d’une analyse de risque». Ces études devront notamment déterminer si les eaux de surface et les eaux souterraines sont touchées. Mais le chef du service de l’environnement tient à rassurer la population: «Martigny ne s’alimente pas avec la nappe phréatique. Personne ne peut avoir cette eau au robinet.» Il ajoute que, selon les données actuellement à disposition, aucun danger pour la santé n’est à craindre.
Sans commune mesure avec le site de Lonza
Cette pollution est donc sans commune mesure avec celle du Haut-Valais, insiste Joël Rossier: «Les quantités de mercure utilisées étaient bien moindres et il n’y a eu aucun rejet, dans la Dranse, des eaux industrielles contaminées, contrairement au procédé de Lonza.» Durant près de quatre décennies, le groupe chimique bâlois a en effet utilisé le Grossgrundkanal pour évacuer ses eaux contaminées. L’entreprise a avoué avoir déversé entre 50 et 60 tonnes de mercure dans le cours d’eau.
Dans la région de Martigny, les responsabilités de la pollution n’ont pas encore pu être déterminées. Mais l’Etat du Valais estime que les activités de l’usine de magnésium, qui se sont déroulées entre 1927 et les années 1980, sont susceptibles d’en être la cause. Le canton ne connaît pour l’heure que partiellement cette pollution, mais il a tout de même décidé de communiquer. «Dans l’atmosphère actuelle, on préfère être très transparents», explique Joël Rossier, tout en soulignant que le mercure est un thème sensible.
De nombreux exemples de pollution
Le Valais continue donc de découvrir les stigmates de son passé industriel. Et tout son territoire est concerné. La partie germanophone du canton est touchée par la pollution au mercure. En suivant le cours du Rhône, on découvre que la région de Sierre est impactée. Le sol de certaines zones d’habitation a été pollué en raison de l’activité d’électrolyse, pratiquée par l’ancienne usine d’aluminium Alusuisse entre les années 1940 et 1980. Dans le Bas-Valais, le canal de la Balmaz à Evionnaz, qui a servi pour l’évacuation des eaux usées de l’usine Hetako entre 1977 et 1985, est également contaminé. De l’arsenic, de l’antimoine, du cadmium, du mercure et du plomb y ont été découverts. Enfin à Monthey, l’ancienne décharge du Pont Rouge a dû être assainie. Entre 1957 et 1979, l’entreprise chimique bâloise CIBA y a entreposé ses déchets avant de les recouvrir de terre.
Cette liste, qui n’est pas exhaustive, souligne le lien étroit entre industrie lourde et pollution. Alors l’une ne va-t-elle pas sans l’autre? Joël Rossier tient tout d’abord à préciser que «ces entreprises ont agi selon les normes de l’époque et que ces dernières ont désormais évolué». Il ajoute que «l’on peut potentiellement retrouver des pollutions partout où il y a eu de l’industrie chimique».
C’est le cas dans la région de Viège, avec le mercure, mais pas seulement. L’entreprise Lonza sera sur le banc des accusés ce jeudi pour une autre affaire. Il lui est reproché d’avoir pollué, pendant des années, l’eau de la cité haut-valaisanne avec du 1,4-dioxane. Les doses de ce solvant cancérigène déversées dans l’environnement étaient trop élevées et Lonza le savait depuis 2012 au moins, selon l’acte d’accusation.
Le Ministère public est ainsi convaincu que l’entreprise aurait pu empêcher la contamination des eaux. De son côté, Lonza se défend d’avoir commis une infraction. Elle précise qu’au moment de la découverte de la pollution en 2014, il n’y avait aucune limite concernant la présence de ce solvant dans les eaux, qu’elles soient potables, souterraines ou industrielles. L’entreprise ajoute que la population et l’environnement n’ont jamais été menacés.
«Martigny ne s’alimente pas avec la nappe phréatique. Personne ne peut avoir cette eau au robinet»
JOËL ROSSIER, CHEF DU SERVICE DE L’ENVIRONNEMENT