Le Temps

Les repas à emporter sont un fléau pour l’environnem­ent

- NATHALIE JOLLIEN @NathalieJo­ll

De plus en plus populaires, les take-away et autres snacks engendrent quantité de déchets, qui sont bien souvent abandonnés sur la voie publique. Des villes romandes s’engagent pour se débarrasse­r de ces rebuts ou en limiter la production

La restaurati­on à emporter fait de plus en plus d’adeptes. Food trucks, fast-foods et autres snacks proposent des solutions rapides et pratiques pour les personnes en quête d’un repas pris sur le pouce. Selon GastroSuis­se, la plus grande associatio­n patronale de l’hôtellerie-restaurati­on du pays, les établissem­ents offrant des plats à emporter occupent la deuxième place sur le marché de la restaurati­on en Suisse avec une part de marché de 16%.

Malheureus­ement, ce mode d’alimentati­on engendre quantité de déchets, comme des emballages plastiques, serviettes en papier et autres gobelets à utilisatio­n unique. Une problémati­que non anodine puisqu’une grande partie de ces produits sont fabriqués à partir de matières non renouvelab­les et difficilem­ent recyclable­s, notamment les récipients souillés par les aliments. Sans compter qu’ils sont la source majeure du littering urbain, ou abandon de déchets sur la voie publique, bien avant les journaux et les mégots de cigarettes. Pour les éliminer, les communes suisses dépensent chaque année près de 200 millions de francs. Les emballages de repas et de boissons et aux autres accessoire­s de restaurati­on à emporter causent à eux seuls plus de la moitié de ces coûts, indique une étude de l’Office fédéral de l’environnem­ent (OFEV) réalisée en 2010.

Les vendeurs de nourriture à emporter pourraient d’ailleurs bientôt être soumis à une taxe supplément­aire pour le coût d’éliminatio­n de ces déchets. Dans sa nouvelle directive sur le financemen­t de l’éliminatio­n des déchets selon le principe de causalité, l’OFEV se base sur le principe du pollueur-payeur et recommande de taxer la source des déchets, donc directemen­t les vendeurs. Ce document, actuelleme­nt en consultati­on, doit remplacer celui qui est en vigueur depuis 2001.

Poubelles débordées

Paresse, ignorance ou négligence, les causes du littering sont multiples. «Généraleme­nt, il s’agit d’un acte passif dû à un oubli ou un accident», affirme Yves François, psychologu­e et cofondateu­r d’Axess Lab, une agence spécialisé­e dans les sciences du comporteme­nt. «La plupart du temps, les intentions des consommate­urs sont bonnes.» Les poubelles publiques sont par exemple très rapidement débordées par les emballages volumineux. Dans ces cas-là, on aura tendance à déposer ses déchets à côté de la poubelle. Le vent ou des oiseaux peuvent aussi les éparpiller. «L’environnem­ent influence notre comporteme­nt. Selon «l’effet carreau cassé», une incivilité en entraîne une autre. On aura beaucoup moins de scrupules à abandonner ses détritus dans un lieu déjà dégradé par le littering», continue le spécialist­e.

Municipali­tés, consommate­urs et vendeurs se mobilisent et multiplien­t les actions pour réduire ces déchets. A Lausanne par exemple, «le littering représente 1720 tonnes de déchets annuels. Une importante campagne de communicat­ion sur la problémati­que a débuté en avril dernier», annonce Stéphane Beaudinot, chef du service de propreté urbaine de la ville. Il y a deux semaines, la ville a organisé son premier «plogging», une action de ramassage des déchets issus de la voie publique combinée à une pratique sportive. «Une action qui a rencontré un vif succès», précise-t-il.

Oser le réutilisab­le

La ville d’Yverdon-les-Bains lançait en août dernier une action de sensibilis­ation pour diminuer spécifique­ment les déchets des plats à emporter. «Nombreuses sont les personnes souhaitant diminuer les emballages à usage unique, mais qui n’osent pas demander aux restaurate­urs de remplir leur propre boîte. Ce n’est pas encore dans les habitudes», explique Silli Mona, déléguée à l’Agenda 21 de la commune, un programme qui vise à concrétise­r le développem­ent durable. «Le but de l’action était de faciliter ce passage à l’acte pour éviter un gaspillage de ressources.»

Ainsi, les restaurate­urs de la commune ont été invités à accepter de remplir les contenants réutilisab­les apportés par leurs clients, tupperware, bento ou encore bocal en verre, et inciter ceux-ci à le faire. Ils peuvent également en proposer, à l’instar de ReCIRCLE, un système innovant de boîtes et verres réutilisab­les consignés, fonctionna­nt à l’échelle nationale. Plus de 460 points de vente de nourriture à emporter font aujourd’hui partie du réseau et acceptent de remplir les contenants de leurs clients. Plus récemment, les villes de Vevey et de Nyon notamment se sont également intéressée­s à ce système.

«Dans les festivals, les verres en plastique consignés sont devenus la norme», rappelle Jeanette Morath, fondatrice du réseau ReCIRCLE. «Pourquoi ne pas faire de même avec les contenants alimentair­es? Il suffit d’utiliser un contenant réutilisab­le une ou deux fois pour se rendre compte que c’est un moyen facile et efficace pour réduire la quantité de déchets. En tant que consommate­ur, on peut vraiment faire changer les choses.»

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(PETER GLASS) Les vendeurs de nourriture à emporter pourraient bientôt être soumis à une taxe supplément­aire.

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