La campagne Stop à la piraterie s’engage à sensibiliser les consommateurs
Horlogerie, chocolat, médicaments: la Suisse risque de devenir une plaque tournante pour les contrefaçons. Pourquoi le ministre des Finances en est en partie responsable
Un effort qui en a valu la peine. Après des recherches sur internet, la police cantonale de Zurich a récemment arrêté un jeune Suisse de 22 ans en flagrant délit à Dübendorf. Il vendait des montres Rolex dans leur boîte d’origine avec certificat pour 750 francs. Les enquêteurs se sont fait passer pour des acheteurs potentiels et ont examiné la marchandise. Il s’est avéré qu’il s’agissait non de marchandises volées comme soupçonné au départ, mais de contrefaçons de haute qualité fabriquées en Extrême-Orient.
«En 2017, notre cellule internet a repéré plus de 1,2 million d’offres de montres contrefaites sur internet et bloqué une multitude de sites de contrefaçons. En coopération avec nos partenaires dans le domaine hors ligne, nous avons saisi plus d’un million de contrefaçons de montres suisses», déclare Yves Bugmann. Le responsable du service juridique de la Fédération horlogère suisse (FH) estime le préjudice à 800 millions de francs par an, juste pour sa branche. Et de citer le constat de l’OCDE selon lequel l’industrie horlogère est aussi celle qui souffre le plus de contrefaçons au niveau mondial.
La contrefaçon va au consommateur
Internet poserait un problème particulier en ayant simplifié considérablement le commerce de contrefaçons. «Alors qu’autrefois, le consommateur devait souvent aller chercher la contrefaçon, elle vient aujourd’hui à lui», constate Yves Bugmann. «Internet est devenu une gigantesque plateforme de vente de tout. Raison pour laquelle le nombre d’offres pour des produits contrefaits augmente également, ainsi que le volume de leurs ventes», confirme Florence Clerc, directrice de l’association d’utilité publique Stop à la piraterie. «Pouvoir se battre efficacement implique notamment une coopération entre les titulaires de droits et les exploitants de site», ajoute-t-elle.
Informer et sensibiliser
Toutefois, cette lutte implique généralement un gros effort. Le secrétariat de l’association d’utilité publique est rattaché à l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI). L’industrie horlogère, mais aussi l’Union suisse de l’article de marque Promarca, Interpharma, l’Union des fabricants suisses de chocolat ainsi que Swiss Cigarette sont représentés au comité de Stop à la piraterie.
Stop à la piraterie s’engage en première ligne pour l’information et la sensibilisation des consommateurs. «Des prix très bas pour de prétendus produits de marque, des fautes de langage sur le site, des noms de domaine bizarres ou l’absence de coordonnées sont des signaux d’alarme, pour tout acheteur potentiel, que quelque chose ne joue pas avec les produits offerts», souligne Florence Clerc.
La boisson à base de malt de la société Wander a été développée comme produit fortifiant il y a plus de 110 ans. «Alors qu’autrefois, le consommateur devait souvent aller chercher la contrefaçon, elle vient aujourd’hui à lui» YVES BUGMANN, RESPONSABLE DU SERVICE JURIDIQUE DE LA FÉDÉRATION HORLOGÈRE SUISSE (FH)
Ce n’est pas un hasard si Stop à la piraterie prépare en ce moment même une nouvelle campagne dans les médias sociaux s’adressant principalement aux jeunes.
Mais quelles contrefaçons se vendent le mieux? En plus des montres, Stop à la piraterie cite les médicaments, les logiciels de divertissement, la nourriture, les articles pour fumeurs, les vêtements et accessoires, les machines et fournitures ainsi que les oeuvres d’art. Sur le total des articles saisis en 2017, il y avait 48% de sacs à main, sacs de voyage, porte-monnaies et autres accessoires contrefaits, et 36% de montres et de bijoux de contrefaçon, selon l’Administration fédérale des douanes (AFD). La valeur des marchandises confisquées a atteint 15 millions de francs. Parmi ces contrefaçons, 40% venaient de Chine, 33% de Hongkong et 18% de l’Union européenne.
Des économies fatales
Ce qui frappe, c’est qu’en 2017, le nombre et la valeur des saisies étaient deux fois inférieurs à l’année précédente. La raison devrait faire réfléchir le politique, à commencer par le ministre des Finances, Ueli Maurer. En raison des mesures d’économie de la Confédération, l’administration des douanes a un plus petit budget et donc moins de personnel, ce qui signifie moins de contrôles et moins de saisies. «Nous déplorons que les saisies par les autorités soient limitées par des mesures d’économie en Suisse», déclare Yves Bugmann. Dans le domaine des contrefaçons de montres, le nombre de saisies aurait chuté d’environ 80%.
Envoyé au mauvais moment, le signal du conseiller fédéral Ueli Maurer et de ses économies est fatal pour deux raisons: d’un côté, la Suisse menace par ses contrôles laxistes de devenir la plaque tournante des contrefaçons en Europe (voir encadré). Selon la FH, la Suisse est déjà concernée plus que la moyenne par le phénomène des contrefaçons. Le cas précédemment mentionné de Rolex à Dübendorf en est un bon exemple. De l’autre côté, la performance économique de la Suisse et celle de l’Union européenne relèvent en grande partie de branches dites à forte intensité de protection. Dans l’Union européenne, leur part s’élève au niveau élevé de 39%. De plus, ces secteurs économiques emploient un quart de tous les salariés.
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