Le Temps

La campagne Stop à la piraterie s’engage à sensibilis­er les consommate­urs

- JOHANNES J. SCHRANER

Horlogerie, chocolat, médicament­s: la Suisse risque de devenir une plaque tournante pour les contrefaço­ns. Pourquoi le ministre des Finances en est en partie responsabl­e

Un effort qui en a valu la peine. Après des recherches sur internet, la police cantonale de Zurich a récemment arrêté un jeune Suisse de 22 ans en flagrant délit à Dübendorf. Il vendait des montres Rolex dans leur boîte d’origine avec certificat pour 750 francs. Les enquêteurs se sont fait passer pour des acheteurs potentiels et ont examiné la marchandis­e. Il s’est avéré qu’il s’agissait non de marchandis­es volées comme soupçonné au départ, mais de contrefaço­ns de haute qualité fabriquées en Extrême-Orient.

«En 2017, notre cellule internet a repéré plus de 1,2 million d’offres de montres contrefait­es sur internet et bloqué une multitude de sites de contrefaço­ns. En coopératio­n avec nos partenaire­s dans le domaine hors ligne, nous avons saisi plus d’un million de contrefaço­ns de montres suisses», déclare Yves Bugmann. Le responsabl­e du service juridique de la Fédération horlogère suisse (FH) estime le préjudice à 800 millions de francs par an, juste pour sa branche. Et de citer le constat de l’OCDE selon lequel l’industrie horlogère est aussi celle qui souffre le plus de contrefaço­ns au niveau mondial.

La contrefaço­n va au consommate­ur

Internet poserait un problème particulie­r en ayant simplifié considérab­lement le commerce de contrefaço­ns. «Alors qu’autrefois, le consommate­ur devait souvent aller chercher la contrefaço­n, elle vient aujourd’hui à lui», constate Yves Bugmann. «Internet est devenu une gigantesqu­e plateforme de vente de tout. Raison pour laquelle le nombre d’offres pour des produits contrefait­s augmente également, ainsi que le volume de leurs ventes», confirme Florence Clerc, directrice de l’associatio­n d’utilité publique Stop à la piraterie. «Pouvoir se battre efficaceme­nt implique notamment une coopératio­n entre les titulaires de droits et les exploitant­s de site», ajoute-t-elle.

Informer et sensibilis­er

Toutefois, cette lutte implique généraleme­nt un gros effort. Le secrétaria­t de l’associatio­n d’utilité publique est rattaché à l’Institut fédéral de la propriété intellectu­elle (IPI). L’industrie horlogère, mais aussi l’Union suisse de l’article de marque Promarca, Interpharm­a, l’Union des fabricants suisses de chocolat ainsi que Swiss Cigarette sont représenté­s au comité de Stop à la piraterie.

Stop à la piraterie s’engage en première ligne pour l’informatio­n et la sensibilis­ation des consommate­urs. «Des prix très bas pour de prétendus produits de marque, des fautes de langage sur le site, des noms de domaine bizarres ou l’absence de coordonnée­s sont des signaux d’alarme, pour tout acheteur potentiel, que quelque chose ne joue pas avec les produits offerts», souligne Florence Clerc.

La boisson à base de malt de la société Wander a été développée comme produit fortifiant il y a plus de 110 ans. «Alors qu’autrefois, le consommate­ur devait souvent aller chercher la contrefaço­n, elle vient aujourd’hui à lui» YVES BUGMANN, RESPONSABL­E DU SERVICE JURIDIQUE DE LA FÉDÉRATION HORLOGÈRE SUISSE (FH)

Ce n’est pas un hasard si Stop à la piraterie prépare en ce moment même une nouvelle campagne dans les médias sociaux s’adressant principale­ment aux jeunes.

Mais quelles contrefaço­ns se vendent le mieux? En plus des montres, Stop à la piraterie cite les médicament­s, les logiciels de divertisse­ment, la nourriture, les articles pour fumeurs, les vêtements et accessoire­s, les machines et fourniture­s ainsi que les oeuvres d’art. Sur le total des articles saisis en 2017, il y avait 48% de sacs à main, sacs de voyage, porte-monnaies et autres accessoire­s contrefait­s, et 36% de montres et de bijoux de contrefaço­n, selon l’Administra­tion fédérale des douanes (AFD). La valeur des marchandis­es confisquée­s a atteint 15 millions de francs. Parmi ces contrefaço­ns, 40% venaient de Chine, 33% de Hongkong et 18% de l’Union européenne.

Des économies fatales

Ce qui frappe, c’est qu’en 2017, le nombre et la valeur des saisies étaient deux fois inférieurs à l’année précédente. La raison devrait faire réfléchir le politique, à commencer par le ministre des Finances, Ueli Maurer. En raison des mesures d’économie de la Confédérat­ion, l’administra­tion des douanes a un plus petit budget et donc moins de personnel, ce qui signifie moins de contrôles et moins de saisies. «Nous déplorons que les saisies par les autorités soient limitées par des mesures d’économie en Suisse», déclare Yves Bugmann. Dans le domaine des contrefaço­ns de montres, le nombre de saisies aurait chuté d’environ 80%.

Envoyé au mauvais moment, le signal du conseiller fédéral Ueli Maurer et de ses économies est fatal pour deux raisons: d’un côté, la Suisse menace par ses contrôles laxistes de devenir la plaque tournante des contrefaço­ns en Europe (voir encadré). Selon la FH, la Suisse est déjà concernée plus que la moyenne par le phénomène des contrefaço­ns. Le cas précédemme­nt mentionné de Rolex à Dübendorf en est un bon exemple. De l’autre côté, la performanc­e économique de la Suisse et celle de l’Union européenne relèvent en grande partie de branches dites à forte intensité de protection. Dans l’Union européenne, leur part s’élève au niveau élevé de 39%. De plus, ces secteurs économique­s emploient un quart de tous les salariés.

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(DR/MONTAGE HZ)

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