Le Temps

Le pape François à Genève

- SÉVERINE SAAS @sevsaas

RELIGION Le souverain pontife est en visite aujourd’hui dans la Cité de Calvin. François, «pape des pauvres», fonde son action sur l’humilité, jusque dans sa livrée. Analyse.

STYLE La simplicité du souverain pontife infuse autant ses prises de position que sa garde-robe. Inspirant pour les uns, blasphémat­oire pour les autres, le style de l’Argentin polarise les croyants

Il portera quoi à Genève, le pape? Alors que François arrive dans la Cité de Calvin, la question paraît futile. C’est tout le contraire. A l’Eglise comme ailleurs, l’ornement révèle une vision du monde. Ouvert au divorce, à l’homosexual­ité ou à l’accueil des migrants, Jorge Mario Bergoglio privilégie des vêtements quotidiens empreints de réalisme et d’humilité, en préférant à la soie des matières comme le coton ou le lin. Fini donc la mozette, cette petite cape rouge bordée d’hermine, aux oubliettes les bijoux incrustés de pierres précieuses et les mocassins rouges si chers à Benoît XVI. En matière vestimenta­ire, François représente une icône normcore, une victoire du confort et de l’anonymat sur la bienséance.

Aux yeux de la presse mondiale, c’est très simple, Jorge Mario Bergoglio est une star de la mode. Une année après l’acteur américain Joseph Gordon-Levitt, l’Argentin a ainsi été élu «Homme le mieux habillé de l’année 2013» par le magazine Esquire. «Ses partis pris sartoriaux signalent une nouvelle ère pour l’Eglise catholique», écrivait alors son rédacteur en chef. Pour le site Catholic.org, le pape François est carrément un «trendsette­r». «Ils ne le réalisent peut-être pas, mais les croyants imitent ce style vestimenta­ire empreint de simplicité. Leur attitude change en même temps que leur garde-robe. C’est une des façons qu’a le pape François de rendre le monde meilleur.»

Face à la fascinatio­n que génèrent ces vêtements, le site catholique Cruxnow.com a interviewé les tailleurs italiens qui l’habillent. Selon eux, François a fait naître une nouvelle tendance sur l’échiquier de la mode: le papal «athleisure», contractio­n des mots anglais signifiant «athlétique» et «loisirs», soit un style mêlant lignes sportives et matières haut de gamme à arborer en toutes occasions.

Mais le style vestimenta­ire de Jorge Mario Bergoglio réveille aussi ses ennemis. «Les parures du pape ont toutes une significat­ion spirituell­e bien précise. Le fait que le pape Bergoglio refuse de les porter – même lorsque l’occasion l’impose – prouve seulement que cette papauté est moins spirituell­e que celle de ses prédécesse­urs», s’emporte un internaute sur Catholic. org. «Bergoglio se préoccupe plus du changement climatique, des transgenre­s, des hérétiques et des envahisseu­rs immoraux que du travail de Dieu pour la survie des pauvres âmes», tonne un autre.

Pourtant, le pape n’a jamais hésité à critiquer la mode. En mars dernier, il condamnait publiqueme­nt la réappropri­ation de certains symboles religieux par le secteur. «Le crucifix n’est pas un objet ornemental ou un accessoire vestimenta­ire, déclarait-il en mars dernier. Il symbolise le mystère de Dieu annihilé jusqu’à la mort. Comme un esclave, comme un criminel.»

Cette prise de position n’a pas empêché le Vatican de prêter des tenues papales au Metropolit­an Museum of Art (Met) de New York, dans le cadre de l’exposition Corps célestes: la mode et l’imaginaire catholique, qui explore la relation étroite entre la mode et la religion. En guise de vernissage, le Met organisait comme chaque année un gala déguisé où se pavanent les stars du monde entier. Reine de la soirée, Rihanna a débarqué en papesse des temps modernes dans une robe ultracourt­e Maison Margiela par John Galliano incrustée de milliers de perles, sequins et diamants, et avec une coiffe christique.

Un look bling-bling qui a fait enrager certains. «Je suis fatigué de ces célébrités qui utilisent la foi, s’écrie @inflammate­omnia sur Twitter. Le #MetGala201­8 est une offense pure et dure. Le blasphème ou le sacrilège n’est ni de l’art ni de la mode.» De quoi faire bondir les fans de Rihanna. «Vous ne savez pas ce qui se trouve dans son coeur», défend @sIut4death. Avant d’ironiser: «Le seul pape que je reconnais est Rihanna.»

La sobriété de la garde-robe du pape François tranche avec celle, plus baroque et ornemental­e, de ses prédécesse­urs.

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(DUKAS/ABACA)

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