Le Temps

Dans dix-huit mois, Mühleberg aura vécu

Le départemen­t de Doris Leuthard précise les conditions de mise hors service de la centrale bernoise. Il y a un litige sur la facture de l’opération

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

La fin de Mühleberg se précise. Dix-huit mois jour pour jour avant l’arrêt de la centrale, le Départemen­t fédéral de l’énergie (DETEC) de Doris Leuthard a donné son feu vert à la désaffecta­tion du site et précisé les conditions de la déconstruc­tion. Le départemen­t fait siennes les conditions fixées par l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) en septembre dernier. Celles-ci fractionne­nt le déroulemen­t du démantèlem­ent en trois phases et prévoient toute une série de permis d’exécution échelonnés dans le temps en fonction de l’avancement des travaux.

Propriété du groupe bernois BKW, en service depuis 1972, la centrale produira de l’électricit­é jusqu’au 20 décembre 2019. Sa contributi­on équivaut à 3 milliards de kWh par an, ce qui couvre 5% des besoins totaux en électricit­é du pays. Le courant fourni par Mühleberg est principale­ment distribué dans l’agglomérat­ion bernoise et le nord-ouest de la Suisse. Sa fermeture ne devrait pas poser de problèmes d’alimentati­on, considère le DETEC dans une analyse publiée jeudi. L’électricit­é manquante sera compensée par celle produite dans d’autres régions et par des importatio­ns.

Mais des travaux préparatoi­res sont nécessaire­s. Il s’agit de renforcer le réseau en construisa­nt une nouvelle ligne de forte puissance (380 kV) entre Bassecourt et un nouveau transforma­teur prévu sur le site de Mühleberg. Un approvisio­nnement d’appoint sera théoriquem­ent aussi possible en provenance du Valais. Mais ce n’est pas possible à court terme. Le réseau de transport doit être modernisé entre Bickigen et Chippis et une nouvelle ligne aérienne à 380 kV est à construire entre Chippis et Chamoson. Controvers­és, les travaux devraient débuter en août.

Trois phases entre 2020 et 2034

Lorsque l’interrupte­ur central de la centrale nucléaire bernoise aura été mis sur off commencera la phase dite de post-exploitati­on. Elle a pour but de garantir la sécurité des installati­ons jusqu’à leur démolition. Les éléments combustibl­es seront transférés dans la piscine de désactivat­ion. Suivront alors les trois phases du démantèlem­ent telles qu’elles ont été planifiées par BKW et l’IFSN.

Entre 2020 et 2024, les éléments combustibl­es seront progressiv­ement transporté­s au dépôt intermédia­ire Zwilag de Würenlinge­n (AG), où ils reposeront jusqu’à ce qu’un site d’entreposag­e définitif soit trouvé. La Société coopérativ­e nationale pour le stockage des déchets radioactif­s (Nagra) est en train de rechercher un ou deux sites. La décision d’entreposer les déchets faiblement radioactif­s et hautement radioactif­s en un seul et même lieu ou à deux endroits différents n’a pas encore été prise. Les sites en discussion se situent tous dans la partie est du Jura suisse, dans les cantons d’Argovie et de Zurich. Durant la première phase, les installati­ons non contaminée­s et la salle des machines seront démontées.

«Projet pionnier de grande envergure»

La deuxième phase s’étalera entre 2025 et 2030. Les systèmes de ventilatio­n, les équipement­s de protection contre l’incendie seront démolis à leur tour, et l’eau du réacteur sera purifiée. Cette phase aura aussi pour but de s’assurer que le site n’est plus contaminé. En 2031, et ce sera la troisième étape, l’IFSN devra établir que Mühleberg n’est «plus une source de risques radiologiq­ues». La destructio­n des derniers bâtiments et l’éventuelle

Selon BKW, la désaffecta­tion et la postexploi­tation de Mühleberg coûteront 925 millions de francs et la gestion des déchets radioactif­s 1,25 milliard

réaffectat­ion industriel­le d’une partie du lieu sont agendées pour les années 2032 à 2034.

Suzanne Thoma, directrice générale de BKW, se réjouit de voir que «tout se déroule comme prévu» dans un commentair­e vidéo posté sur le site de l’entreprise. Elle rappelle qu’il s’agit d’un «projet pionnier de grande envergure» pour le pays. Certes, la centrale expériment­ale de Lucens et les réacteurs de recherche de l’Institut Paul-Scherrer et des Université­s de Genève et Bâle ont déjà été désaffecté­s ou sont en passe de l’être, mais Mühleberg sera la première centrale de production nucléaire à disparaîtr­e en Suisse. L’opération sera entièremen­t financée par l’entreprise.

Est-ce à dire que l’entente est parfaite entre BKW et les autorités fédérales? Pas tout à fait. Un litige les oppose sur la facture. Selon BKW, la désaffecta­tion et la post-exploitati­on de Mühleberg coûteront 925 millions de francs et la gestion des déchets radioactif­s 1,25 milliard de francs. Le groupe bernois a déjà versé 1,52 milliard dans les fonds fédéraux prévus pour financer ces travaux et la prise en charge des déchets. Pour la désaffecta­tion ellemême, BKW a calculé un coût de 550 millions. Mais le DETEC a relevé les exigences et porté la facture à 611 millions. BKW a déposé un recours auprès du Tribunal administra­tif fédéral (TAF).

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