Sous le regard cosmique de Marina Abramovic
L’artiste performeuse aborde l’univers lyrique par le concept et la scénographie. Une première rencontre sidérale
Les Genevois pourront découvrir un Pelléas et Mélisande interstellaire inédit. C’est que l’univers voulu par Marina Abramovic flirte avec le cosmos et l’inconscient. L’artiste, célèbre pour son travail d’expérimentation extrême sur le corps, la relation interpersonnelle et le rapport au temps, livre ici une vision où le symbole l’emporte sur la représentation. Une apesanteur à laquelle les sept danseurs animés par Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet donnent chair et sens.
Comment l’idée galactique s’estelle concrétisée? L’inspiration de la performeuse est venue de ce nulle part dont émerge Mélisande. «On ne sait pas d’où elle vient, on ne connaît rien d’elle. Elle est perdue dans la forêt et ne se souvient de rien. J’ai exploré le fait qu’elle vienne d’un monde inconnu comme un ailleurs encore plus lointain. Une autre planète, voire une autre galaxie», explique la scénographe.
Cette logique de l’extrême s’est organisée autour d’éléments phares. Douze imposants cristaux pour un monde sans âge. De longs filins argentés manipulés dans de savantes géométries par les danseurs. «Ces fils illustrent autant les cheveux de Mélisande que la forêt ou des éléments de torture.» On pense aussi aux liens qui emprisonnent les personnages dans une toile d’araignée.
Première expérience lyrique
L’oeil? Pour «l’illusion, le rêve et l’irréalité», souligne l’artiste. Mais aussi «l’ambiguïté de la question sur la vérité. Au bout du compte, personne ne connaît cette réalité dont Golaud exige la révélation. Mélisande meurt sans la dire. J’adore cette fin sans réponse. La jeune fille incarne aussi le pouvoir de l’énergie féminine.»
Pour sa première expérience lyrique, Marina Abramovic estime que l’opéra de Debussy constitue un formidable «processus d’apprentissage», avant de se lancer dans un autre projet où elle interviendra à tous les niveaux.
La fréquentation de la musique classique? Elle lui vient de l’enfance. Sa mère en écoutait beaucoup. La jeune fille ne connaissait pas les «Beatles et les Rolling Stones mais Bach, Mozart ou Beethoven». De l’opéra, elle dit que c’est un «art très ancien», qui évolue dans «la longueur temporelle et le poids de l’histoire».
Marina Abramovic trouve donc excitant de «transformer une époque passée en temps modernes». Elle s’emploie à insuffler de «nouvelles énergies» pour permettre aux jeunes et à ceux qui ne le connaissent pas de se «connecter» à cet art total. Pour y parvenir, l’artiste ne manque ni d’arguments ni de talent.
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