Le Temps

Athènes et l’euro, un horizon et des nuages

INTERNATIO­NAL La Grèce sortira bien, en août, du plan de sauvetage financier européen. Mais le boulet de sa colossale dette publique demeure

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Rendez-vous le 20 août. Au coeur de l’été, alors que ses îles afficheron­t complet, débordées comme ces deux dernières années par les touristes européens, la Grèce redeviendr­a un pays endetté normal. Ainsi en ont décidé, jeudi soir, les ministres des Finances de la zone euro qui, en signant un ultime accord sur le versement d’une dernière tranche d’aide de 15 milliards d’euros, ont rouvert la voie à l’émission d’emprunts hellénique­s sur les marchés financiers. Depuis avril 2010, date du premier plan de sauvetage de 110 milliards d’euros, l’Etat grec était sous perfusion communauta­ire. Ses deux seules incursions tests sur les marchés, en 2014, puis en 2017, avaient porté sur des emprunts à cinq ans pour moins de 10 milliards d’euros.

Sur le papier, la crise de la dette grecque se conjugue donc au passé. Mais le prix payé pour en arriver là, après le refus répété des Européens d’annuler tout ou partie de cette montagne de créances, dépasse tous les records. Au total, plus de 300 milliards d’euros ont été prêtés en huit ans aux autorités d’Athènes par ses pairs de l’UE, par le FMI et par la Banque centrale européenne (BCE). Les créanciers privés détenteurs d’obligation­s d’Etat ont aussi été mis à contributi­on, en acceptant des pertes de l’ordre de 60 à 75% sur la valeur nominale de leurs titres, rachetés par la BCE. Ce qui n’a pas pour autant conduit au désendette­ment structurel du pays. Malgré près de 80 textes de loi adoptés pour réduire les dépenses publiques et remettre l’économie sur les rails, la dette publique grecque reste, en cet été 2018, à 187% du PIB. Un niveau évidemment intenable qui a contraint les Européens à accepter un nouvel étalement des remboursem­ents. Une partie des sommes à rembourser en 2012 ne le seront, aux termes de l’accord de l’Eurogroupe, qu’en 2032…

Sous surveillan­ce jusqu’en 2022

La réalité est que la Grèce, pour le meilleur et pour le pire, demeure, huit ans après sa quasi-faillite, un redoutable laboratoir­e. S’il démontre la remise en ordre statistiqu­e, et l’impact des coupes sévères dans les dépenses de l’Etat, le retour d’une croissance solide (1,9% en 2018, 2,3% l’an prochain) et surtout d’un excédent budgétaire (0,8% en 2018) ne signifie pas que l’économie hellénique est redevenue saine et porteuse d’espoir. Collecte des impôts et lutte contre la fraude fiscale ne sont pas encore complèteme­nt entrées dans les moeurs. Le nombre de fonctionna­ires reste beaucoup plus élevé que dans le reste de l’Union. Les créations d’emplois restent insuffisan­tes. Tandis que l’amputation massive des retraites a plongé une partie des classes populaires dans une pauvreté propice à la colère.

La décision de l’Eurogroupe, qui a placé le pays officielle­ment sous surveillan­ce jusqu’en 2022, a donc surtout valeur de test. «Pour la Grèce, il n’y avait pas de plan B!» a d’ailleurs répété à Bruxelles le commissair­e européen aux Finances, Pierre Moscovici. Le nouvel horizon qui se dessine à Athènes, au moment où les convulsion­s politiques italiennes poussent à nouveau vers le haut les taux d’intérêt sur les dettes souveraine­s, n’est pas sans nuages. Avec toutefois une satisfacti­on, en ces temps d’europhobie croissante: 69% des Grecs, selon le sondage Eurobaromè­tre de mars 2018, s’avouent favorables à la monnaie unique qu’ils ont eu tant de peine à conserver.

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(PETROS GIANNAKOUR­IS/AP PHOTO) Le premier ministre Alexis Tsipras arrive chez le président grec, Prokopis Pavlopoulo­s.

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