Le patrimoine génétique induirait l’inégalité des richesses
FORTUNES La recherche économique, après avoir attribué les inégalités à des facteurs tels que l’éducation, constate maintenant que le génome joue un rôle clé. Il ne définit pas le niveau de l’épargne mais la façon dont l’individu économisera
Les innombrables travaux sur l’impact de l’éducation et de différents facteurs socioéconomiques sur les inégalités ont conduit à des résultats insuffisamment convaincants. De nouvelles pistes sont nécessaires. Trois économistes se penchent aujourd’hui sur la relation entre le patrimoine génétique et l’inégalité des richesses.
Dans «Genetic Endowments and Wealth Inequality» (NBER WP 24642, mai 2018), ces trois économistes constatent effectivement que les gènes sont directement liés à la richesse de l’individu. Daniel Barth (Université de la Californie du Sud), Nicholas Papageorge (Université Johns Hopkins de Baltimore) et Kevin Thom (Université de New York) utilisent des données de génétique moléculaire (Health and Retirement Study, HRS) et diverses estimations d’associations entre des marqueurs génétiques, c’est-à-dire des gènes détectables grâce à leur emplacement sur le chromosome, en relation avec le niveau de scolarité.
Ces marqueurs génétiques prédisent aussi des transferts familiaux tels que les héritages, la mortalité et la préférence au risque. Ils ne définissent pas le niveau futur d’épargne mais, c’est peut-être encore plus important, ils influencent la réponse au «comment épargner». Leur impact se lit dans le processus de décision financière, y compris dans la participation aux marchés financiers, la détention d’entreprises, l’horizon d’investissement et les attentes macroéconomiques.
L’impact sur la prévoyance vieillesse
Ces résultats devraient influencer la politique de redistribution. En effet, selon les auteurs, si les variations génétiques ont un tel impact sur les inégalités de fortune, l’effort redistributif de l’Etat devrait se renforcer au niveau des retraites plutôt qu’accroître la politique égalitaire dans les systèmes de formation.
Une littérature économique abondante tente déjà d’évaluer les liens entre les tests d’intelligence (QI) et les examens cognitifs et la richesse. Mais l’étude dont nous parlons ici est totalement différente. Elle part de «scores polygéniques», c’est-à-dire d’indices qui regroupent de nombreux marqueurs génétiques pour analyser le patrimoine génétique de l’individu. Les économistes prouvent la relation entre la fortune à la retraite et le score polygénique en fonction du niveau de scolarité.
Cette étude montre que si l’éducation et le revenu du travail sont d’importantes sources de variation de la fortune d’un ménage, ils ne déterminent qu’une partie de la relation entre le patrimoine génétique et la fortune. «Les gènes qui entrent en jeu dans l’épargne ne sont pas liés à l’éducation, mais sont négativement corrélés avec l’obésité et la fumée», selon l’étude. Cela suggère un lien entre la maîtrise de soi et l’épargne, concluent les économistes.
Plus le score polygénique est élevé et plus grande est la probabilité d’un héritage (mais pas sa taille), d’être propriétaire d’une maison, d’avoir des actions en bourse.
Le patrimoine génétique participe aussi à la formation des estimations d’espérance de vie. Or l’individu qui s’attend à vivre très longtemps aura une plus forte propension à épargner. Ce score génétique révèle donc, selon les auteurs, une approche plus patiente de l’investissement et une meilleure adaptation aux décisions complexes.
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L’impact des marqueurs génétiques se lit dans le processus de décision financière