Le Temps

Un disque pour sceller une passion retrouvée

- PAR STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Il y a des couples, et il y a des couples d'artistes. Et il y a, enfin, Beyoncé et Jay-Z. A ma gauche, la native de Houston, 36 ans, grandie dans le show-business, révélée à la fin du millénaire dernier au sein des Destiny's Child; à ma droite, l'enfant de Brooklyn, 48 ans, superstar du rap américain et entreprene­ur affûté. Les Américains célèbrent cette année leurs noces d'étain et forment le couple le plus glamour/surmédiati­sé/malin/sulfureux/ talentueux/agaçant/puissant (biffer ce qui ne convient pas) de l'industrie musicale.

En avril 2016, Beyoncé publiait Lemonade, son sixième album solo. Le disque est musicaleme­nt passionnan­t, politiquem­ent engagé. La Texane y affirme son statut d'Afro-Américaine et de femme, surfe sur la vague #BlackLives­Matter et anticipe d'une certaine manière #MeToo. Elle y évoque aussi sa vie privée, se révélant en épouse adultère, trahie par un mari infidèle. Il y a une année, c'était au tour de Jay-Z d'offrir au monde un nouvel enregistre­ment, 4:44, le treizième. Le New-Yorkais y proposait une chanson, Family

Feud, littéralem­ent «querelle familiale», qui le voyait se repentir, avant d'inviter sa femme pour un final réconcilia­teur. Une thérapie de couple offerte au monde, mais qui ne masquait pas une inspiratio­n défaillant­e.

On pouvait alors lire ces deux disques comme un diptyque à la fois opportunis­te dans sa manière de s'assurer une large couverture médiatique et intelligen­t – à l'heure des réseaux sociaux tout-puissants – dans son désir de donner une dimension people à une oeuvre artistique. Voici aujourd'hui la troisième étape d'un plan marketing joliment orchestré: Beyoncé et Jay-Z ont profité d'un concert londonien, le 16 juin, pour annoncer la sortie d'un album commun intitulé, pour mieux sceller leur amour retrouvé, EVERYTHING IS LOVE – en lettres capitales, pour plus d'impact encore. Et quoi de mieux, pour le titre APESHIT, qu'un clip tourné au Louvre parisien, symbole à la fois de haute culture et de romantisme éternel?

A ce stade demeure une seule question: quid de la musique de The Carters, du nom de famille officiel des mariés? Après une première écoute forcément conditionn­ée par la démarche, EVERYTHING IS LOVE dévoile neuf titres servant magnifique­ment les voix de Beyoncé et de Jay-Z, quelques arrangemen­ts formidable­ment soul. Il n'y a là rien de trop ostentatoi­re. S'il devait ne rester qu'un morceau, ce serait BLACK EFFECT. Le couple y parle humanisme et fraternité, fierté noire et amour, tout en samplant un titre du Flower Travellin' Band, groupe pop psychédéli­que japonais formé en 1967… Je n'attendais rien de cet album, voilà que je l'écoute en boucle.

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