A l’affiche de la nouvelle House of Jazz
De John Cale à Matthew Herbert, de Chick Corea à Avishai Cohen, tour d’horizon des signatures les plus fertiles de l’édition 2018 du Montreux Jazz Festival
Le Montreux Jazz Club nouveau genre a des odeurs de soufre, de soul, il ne considère pas le jazz comme un territoire clairement délimité. Devant des tables rondes qui ont quelque chose de délicieusement désuètes, dans des lumières tamisées, débarquent cette année des messies cabossés (John Cale), des troubadours de l’impossible (Selah Sue), des muezzins électriques (Dhafer Youssef), quelques voix tranchantes (Gregory Porter, Hugh Coltman), une diva rare (Jaël).
Il y a dans ce club une promesse de dire aussi quelque chose du jazz au XXIe siècle. De ce point de vue, le concert du super-groupe R+ R excite terriblement. Autour du pianiste Robert Glasper et du saxophoniste Terrace Martin, ce sextette aborde l’improvisation via la déconstruction du hip-hop; Martin est l’un des plus proches collaborateurs de Kendrick Lamar, et Glasper a abondamment collaboré avec Snoop Dogg ou Common. La bonne nouvelle? Ils ne cherchent pas à redonner un coup de jeune au jazz mais considèrent le genre comme une fenêtre ouverte vers l’esprit contemporain.
Bowie à la brésilienne
Le reste de la programmation jazz est à l’avenant. L’iconoclaste et merveilleux Matthew Herbert qui présente son Brexit Big Band. Le bassiste Avishai Cohen et le pianiste Jason Moran. Cory Henry et son gospel de la luxure. Chick Corea en majesté. Et puis, tout au fond du son, une des plus belles soirées brésiliennes de l’été: le génial Joao Bosco rencontre Hamilton de Holanda avant que Seu Jorge vienne enfin jouer ses reprises de Bowie qu’on avait entendues dans le film La vie aquatique, de Wes Anderson. Un Carioca qui chante «Life on Mars»: l’histoire du Montreux Jazz concentrée en un concert.
En dehors du club, la House of Jazz multiplie les pistes. La scène gratuite de La Coupole, les concerts liés au nouveau Montreux Jazz New Talent Award, qui prend la place des traditionnels concours, les workshops et les jams. Tout se concentre dans ce Petit Palais aux moulures indomptables; en 1972 déjà, après l’incendie du Casino, le site avait accueilli Chick Corea avec Stan Getz, mais aussi Les McCann ou Muddy Waters. Définitivement, pour le festival, cette nouvelle House of Jazz est un retour à une certaine essence. Place au débordement.