Le Temps

Emmanuel Macron pris à revers

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Le président français ne parvient plus à rassembler. Ses ambiguïtés sur la question des migrants renforcent la déterminat­ion de ses adversaire­s européens

Une stratégie presque en miettes: à quelques jours du Sommet européen des 28 et 29 juin, la «feuille de route» sur laquelle l’Elysée comptait tant pour faire redémarrer l’Union ressemble à une peau de chagrin.

Certes, Paris et Berlin sont parvenus à un accord sur une réforme de la gouvernanc­e de la zone euro, assortie de la création future d’un budget dédié pour permettre aux pays dotés de la monnaie unique de mieux affronter une nouvelle crise. Mais qui peut, aujourd’hui, dissocier la finance de la politique? Comment préserver l’euro alors que l’Italie, troisième économie de l’Eurogroupe, est en rébellion ouverte contre la méthode Macron, et que l’Autriche – qui assumera à partir du 1er juillet la présidence semestriel­le de l’UE – regarde du côté de Budapest, où Viktor Orban vilipende Bruxelles?

Emmanuel Macron misait, grosso modo, sur un retour de la croissance en Europe, sur une accalmie migratoire, sur la capacité d’Angela Merkel à «tenir» sa grande coalition et sur l’endiguemen­t du populisme en Italie. Sur tous ces fronts, le président français est pris à revers. La croissance s’étiole face à la guerre commercial­e lancée par Trump. Les arrivées de migrants ont nettement diminué, mais leur impact politique est toujours plus fort. Merkel navigue à vue et Matteo Salvini, l’homme fort de l’Italie, a trouvé en Macron sa «tête de Turc». Le refrain de «l’arrogance française» s’installe.

Le temps contre lui

Le locataire de l’Elysée paie aussi ses ambiguïtés et quelques erreurs. Comment reprocher aux autorités de Rome leur intransige­ance vis-à-vis des migrants, alors que Paris n’a pas offert de ports à l’Aquarius et que le projet de loi sur l’asile et pour une immigratio­n «maîtrisée» durcit les procédures d’accueil en France? Comment ne pas réagir aux accusation­s de «cynisme» formulées par Emmanuel Macron contre les Italiens, alors que les douaniers français n’ont pas hésité à faire des contrôles sur le territoire de la Péninsule? Idem à propos des pays maghrébins et africains: comment leur faire accepter des «hotspots», voire des camps fermés, opérations très coûteuses financière­ment et politiquem­ent, alors que les coupes dans les dépenses publiques s’annoncent rudes sous ce quinquenna­t?

Le président français a toujours pour lui le meilleur des arguments: seule une Europe unie et redynamisé­e peut affronter les défis à venir. Problème: le temps joue aujourd’hui contre lui. La pression migratoire impose des décisions douloureus­es à court terme. Les populistes sont convaincus d’un tsunami électoral aux prochaines élections européenne­s. Seule solution: obtenir vite des décisions fortes, symbolique­s, «vendables» aux opinions publiques. Pour ne pas se dissiper dans les colères, l’effet Macron doit vite fournir des résultats tangibles.

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