«A part négocier à genoux devant Trump, je ne vois pas bien ce qui est possible»
Le président iranien, Hassan Rohani, sera en visite officielle en Suisse début juillet. Qu’attendre de sa venue alors qu’un nouveau blocus menace son pays? L’ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey donne des éléments de réponse
Le président iranien, Hassan Rohani, sera en visite officielle en Suisse les 2 et 3 juillet prochain. A l’instar de l’Union européenne (UE), et malgré le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien en mai dernier, la Confédération désire préserver les acquis du traité. Ancienne conseillère fédérale, Micheline Calmy-Rey donne son point de vue sur les enjeux de la venue du dirigeant iranien. Qu’est-ce que M. Rohani vient chercher en Suisse? Depuis 1980, la Suisse représente les intérêts américains en Iran. Plus récemment, Hans-Rudolf Merz avait rencontré l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad à Genève. Cette visite s’inscrit donc dans la continuité. J’ajoute que, après le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, l’Iran et la Suisse cherchent à préserver cet accord en développant leurs relations surtout sur le plan économique. L’objectif est particulièrement difficile à atteindre en raison des nouvelles sanctions américaines, qui touchent aussi les entreprises suisses.
Quelles solutions s’offrent désormais aux entreprises suisses qui ont investi en Iran? Les entreprises suisses et celles d’autres pays ne peuvent pas à la fois commercer avec l’Iran et avec les Etats-Unis, sans quoi elles s’exposent au danger d’une exclusion du marché américain ou à des amendes exorbitantes. Une option serait de négocier des exceptions avec le président Trump. Je doute que cela puisse marcher, mais la Suisse pourrait toujours arguer de son rôle de représentation des intérêts américains en Iran, un rôle utile aux Etats-Unis.
Qu’est-ce que la Suisse peut attendre de la visite de M. Rohani? Il existe un dialogue permanent entre nos deux pays. La secrétaire d’Etat Pascale Baeriswil s’est rendue il y a peu en Iran pour faire le bilan de ces relations. La Suisse est particulièrement attentive aux questions de respect des droits humains. Et notre pays a joué un rôle de facilitateur dans le dossier nucléaire iranien pendant plusieurs années. La Suisse est un canal de communication depuis la rupture des relations diplomatiques entre l’Iran et les Etats-Unis. Tout cela forge des opportunités de discussion.
Quelle importance les Américains accordent-ils à la représentation de leur pays par la Suisse en Iran? Le mandat est d’importance, comme cela a été réaffirmé à plusieurs reprises par Condoleezza Rice, Hillary Clinton et par le président Obama lui-même. Maintenant, ce qu’en pense M. Trump? Je suis incapable de vous le dire. Peut-être que luimême ne le sait pas.
Est-il véritablement plausible de préserver l’accord sur le nucléaire iranien? Soit les Européens renversent leurs alliances traditionnelles et s’allient avec la Russie et la Chine pour sauver cet accord, soit l’alliance atlantique est préservée. Cette seconde hypothèse est plus réaliste. Dans ce cas de figure, il faut soit négocier à genoux devant le président Trump, soit espérer une possible parade européenne, ce qui apparaît tout de même difficile. Je ne vois donc pas très bien ce qui est possible. Ce qui est certain, c’est que des entreprises actives en Iran, et non des moindres, ont d’ores et déjà choisi de se retirer.
«Notre pays a joué un rôle de facilitateur dans le dossier nucléaire iranien pendant plusieurs années»