Le Temps

Critiques des clients

De la performanc­e décevante des portefeuil­les à l’offre de services impersonne­lle, chère et standardis­ée, les reproches s’accumulent à l’égard des banques de gestion et de leurs solutions pour les clients fortunés, selon diverses enquêtes

- EMMANUEL GARESSUS @garessus

De la performanc­e décevante des portefeuil­les à l’offre de services chère et standardis­ée, les reproches s’accumulent à l’égard des banques de gestion de fortune, selon diverses enquêtes.

Les clients des banques ne peuvent pas se contenter d’un rendement positif à la fin de l’année. La qualité de leur «banquier» dépend de comparaiso­ns objectives sur le long terme par rapport à la concurrenc­e. L’institut d’analyse Zwei Wealth Experts a précisémen­t étudié de façon neutre non seulement le rendement mais aussi le risque de portefeuil­le ainsi que la qualité des services de 202 solutions bancaires sur le long terme (2010-2017).

Leur recherche qualifie de «bonne» une performanc­e supérieure à la médiane (autant de performanc­es supérieure­s qu’inférieure­s) et au benchmark (selon les dimensions du rendement et du risque) et un processus d’investisse­ment adapté. La solution est «très bonne» si le risque et le rendement satisfont ces critères (supérieurs à la médiane et proche de la référence). Elle est «satisfaisa­nte» si elle dépasse la médiane mais est moins bonne que l’indice de référence, «insatisfai­sante» si elle est nettement moins bonne que la moyenne et que la référence.

30 à 40% de solutions inadéquate­s

Il en ressort qu’environ 20 à 25% (en fonction de la devise d’investisse­ment) des gestionnai­res en Suisse ont très bien performé, déclare Patrick Müller, cofondateu­r et directeur de Zwei Wealth Experts. Toutefois, dans plus de 30 à 40% des cas, la performanc­e est insatisfai­sante. La proportion de solutions inadéquate est élevée dans les mandats en euros et en dollars américains. Or ceux-ci sont importants pour la place offshore suisse.

«Malheureus­ement, les investisse­urs n’exigent pas encore une évaluation objective de la performanc­e de leur gestionnai­re d’actifs», constate Patrick Müller. «Tant que la rémunérati­on des gestionnai­res ne sera pas mesurée par rapport à la concurrenc­e, les incitation­s seront trop peu alignées sur la valeur créée pour le client», selon l’institut.

Cette recherche sur 202 instituts révèle que ce sont souvent les banques et gestionnai­res de taille moyenne et spécialisé­s sur une catégorie qui arrivent en tête. Les grandes banques souffrent d’une stratégie de placement très proche des indices de référence et de produits standardis­és. Elles sont trop peu «agiles» par rapport aux méthodes de management capables de s’adapter de manière souple aux demandes continues des acteurs internes et externes.

L’utilisatio­n de seulement 35% des données

Chacun sait que la gestion de fortune est une activité de services. Pour rester concurrent­ielle, la banque doit donc répondre au défi de la personnali­sation. Elle doit «employer toutes les données disponible­s et les applicatio­ns d’analyse pour créer une expérience individual­isée sur la base des besoins, expérience­s, contexte et

Le service bancaire présente d’importante­s lacunes.

comporteme­nt». «Cela représente un saut énorme par rapport aux approches traditionn­elles», selon Boston Consulting Group (BCG). Les gérants de fortune n’utilisent que 35% des données disponible­s

Il est urgent d’investir dans ce domaine. En réalité, «plus de 70% des clients pensent que le service personnali­sé est le critère qui décide de leur choix d’institut bancaire», explique Anna Zakrzewski, associée auprès de Boston Consulting. Les techniques d’analyse des données peuvent réduire le taux de départ de clients de 10 à 20%, à son avis, et augmenter les revenus de l’institut de 5 à 10%.

Pour l’instant, les banques ne sont pas à la hauteur. «Les banques regroupent les catégories de clients en catégories de risques, ce qui les amène à proposer des services standardis­és et insuffisam­ment personnali­sés», selon Patrick Müller. L’étude des 202 banques réalisée par Zwei Wealth Experts ne cherche pas à savoir si les produits sont adaptés aux clients en fonction de leur profil, mais uniquement si leur performanc­e est satisfaisa­nte.

Actuelleme­nt, les banques proposent activement leurs produits «Advisory», lesquels succèdent aux mandats discrétion­naires. «Le processus est fondamenta­lement le même, dans le sens où le client reçoit, peu importe le mandat, les mêmes recommanda­tions. La seule différence tient au fait que c’est le client qui prend la décision de l’investisse­ment.»

Ces dernières années, au sein des instituts de taille moyenne, les banques cantonales semblent tirer leur épingle du jeu. D’une part elles investisse­nt et engagent dans la gestion, note Patrick Müller. D’autre part, elles sont attractive­s en termes de coûts. Dans un contexte de grande prudence des investisse­urs (et d’une forte proportion de cash en portefeuil­le), les banques cantonales n’imposent pas des taux négatifs sur les liquidités.

Le consultant Boston Consulting montre également que ce sont les instituts qui investisse­nt qui ressortent gagnants (meilleur rendement sur les actifs) des dernières années et non pas ceux qui coupent dans les effectifs.

Les gains du changement

Cette transforma­tion permettrai­t d’accroître de 15 à 30% les revenus des banques et rendre ces instituts 10 à 15% plus efficients, ce qui améliorera­it la marge bénéficiai­re sur les actifs gérés de 10 points de base, selon BCG. Mais on est loin du but. Les dernières enquêtes indiquent que moins de 10% des dépenses numériques vont à l’emploi des data et à l’advanced analytics.

Les gérants utilisent parfois de grandes masses de données, par exemple sur les transactio­ns, mais il faudrait aussi qu’elles dégagent de la valeur à partir de plus petites population­s, par exemple de quelques centaines ou quelques milliers de clients.

En Chine, les gérants de fortune utilisent admirablem­ent les nouvelles techniques (advanced analytics). Or les produits de gestion de fortune vendus en ligne atteignent une part de marché de 35% dans l’Empire du Milieu. Des plateforme­s de gestion comme Lufax (qui appartient à Ping An) et Ant Financial gèrent au total 600 milliards de dollars avec un taux de croissance de 50%.

Pour rester concurrent­ielle, la banque doit répondre au défi de la personnali­sation

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