Critiques des clients
De la performance décevante des portefeuilles à l’offre de services impersonnelle, chère et standardisée, les reproches s’accumulent à l’égard des banques de gestion et de leurs solutions pour les clients fortunés, selon diverses enquêtes
De la performance décevante des portefeuilles à l’offre de services chère et standardisée, les reproches s’accumulent à l’égard des banques de gestion de fortune, selon diverses enquêtes.
Les clients des banques ne peuvent pas se contenter d’un rendement positif à la fin de l’année. La qualité de leur «banquier» dépend de comparaisons objectives sur le long terme par rapport à la concurrence. L’institut d’analyse Zwei Wealth Experts a précisément étudié de façon neutre non seulement le rendement mais aussi le risque de portefeuille ainsi que la qualité des services de 202 solutions bancaires sur le long terme (2010-2017).
Leur recherche qualifie de «bonne» une performance supérieure à la médiane (autant de performances supérieures qu’inférieures) et au benchmark (selon les dimensions du rendement et du risque) et un processus d’investissement adapté. La solution est «très bonne» si le risque et le rendement satisfont ces critères (supérieurs à la médiane et proche de la référence). Elle est «satisfaisante» si elle dépasse la médiane mais est moins bonne que l’indice de référence, «insatisfaisante» si elle est nettement moins bonne que la moyenne et que la référence.
30 à 40% de solutions inadéquates
Il en ressort qu’environ 20 à 25% (en fonction de la devise d’investissement) des gestionnaires en Suisse ont très bien performé, déclare Patrick Müller, cofondateur et directeur de Zwei Wealth Experts. Toutefois, dans plus de 30 à 40% des cas, la performance est insatisfaisante. La proportion de solutions inadéquate est élevée dans les mandats en euros et en dollars américains. Or ceux-ci sont importants pour la place offshore suisse.
«Malheureusement, les investisseurs n’exigent pas encore une évaluation objective de la performance de leur gestionnaire d’actifs», constate Patrick Müller. «Tant que la rémunération des gestionnaires ne sera pas mesurée par rapport à la concurrence, les incitations seront trop peu alignées sur la valeur créée pour le client», selon l’institut.
Cette recherche sur 202 instituts révèle que ce sont souvent les banques et gestionnaires de taille moyenne et spécialisés sur une catégorie qui arrivent en tête. Les grandes banques souffrent d’une stratégie de placement très proche des indices de référence et de produits standardisés. Elles sont trop peu «agiles» par rapport aux méthodes de management capables de s’adapter de manière souple aux demandes continues des acteurs internes et externes.
L’utilisation de seulement 35% des données
Chacun sait que la gestion de fortune est une activité de services. Pour rester concurrentielle, la banque doit donc répondre au défi de la personnalisation. Elle doit «employer toutes les données disponibles et les applications d’analyse pour créer une expérience individualisée sur la base des besoins, expériences, contexte et
Le service bancaire présente d’importantes lacunes.
comportement». «Cela représente un saut énorme par rapport aux approches traditionnelles», selon Boston Consulting Group (BCG). Les gérants de fortune n’utilisent que 35% des données disponibles
Il est urgent d’investir dans ce domaine. En réalité, «plus de 70% des clients pensent que le service personnalisé est le critère qui décide de leur choix d’institut bancaire», explique Anna Zakrzewski, associée auprès de Boston Consulting. Les techniques d’analyse des données peuvent réduire le taux de départ de clients de 10 à 20%, à son avis, et augmenter les revenus de l’institut de 5 à 10%.
Pour l’instant, les banques ne sont pas à la hauteur. «Les banques regroupent les catégories de clients en catégories de risques, ce qui les amène à proposer des services standardisés et insuffisamment personnalisés», selon Patrick Müller. L’étude des 202 banques réalisée par Zwei Wealth Experts ne cherche pas à savoir si les produits sont adaptés aux clients en fonction de leur profil, mais uniquement si leur performance est satisfaisante.
Actuellement, les banques proposent activement leurs produits «Advisory», lesquels succèdent aux mandats discrétionnaires. «Le processus est fondamentalement le même, dans le sens où le client reçoit, peu importe le mandat, les mêmes recommandations. La seule différence tient au fait que c’est le client qui prend la décision de l’investissement.»
Ces dernières années, au sein des instituts de taille moyenne, les banques cantonales semblent tirer leur épingle du jeu. D’une part elles investissent et engagent dans la gestion, note Patrick Müller. D’autre part, elles sont attractives en termes de coûts. Dans un contexte de grande prudence des investisseurs (et d’une forte proportion de cash en portefeuille), les banques cantonales n’imposent pas des taux négatifs sur les liquidités.
Le consultant Boston Consulting montre également que ce sont les instituts qui investissent qui ressortent gagnants (meilleur rendement sur les actifs) des dernières années et non pas ceux qui coupent dans les effectifs.
Les gains du changement
Cette transformation permettrait d’accroître de 15 à 30% les revenus des banques et rendre ces instituts 10 à 15% plus efficients, ce qui améliorerait la marge bénéficiaire sur les actifs gérés de 10 points de base, selon BCG. Mais on est loin du but. Les dernières enquêtes indiquent que moins de 10% des dépenses numériques vont à l’emploi des data et à l’advanced analytics.
Les gérants utilisent parfois de grandes masses de données, par exemple sur les transactions, mais il faudrait aussi qu’elles dégagent de la valeur à partir de plus petites populations, par exemple de quelques centaines ou quelques milliers de clients.
En Chine, les gérants de fortune utilisent admirablement les nouvelles techniques (advanced analytics). Or les produits de gestion de fortune vendus en ligne atteignent une part de marché de 35% dans l’Empire du Milieu. Des plateformes de gestion comme Lufax (qui appartient à Ping An) et Ant Financial gèrent au total 600 milliards de dollars avec un taux de croissance de 50%.
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Pour rester concurrentielle, la banque doit répondre au défi de la personnalisation