Le Temps

OPEP: compromis trop «vague» pour faire reculer les prix

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Le groupe de 24 pays exportateu­rs de pétrole a adopté à Vienne un accord dans lequel ils s’engagent à augmenter leur production. Les analystes sont sceptiques sur les effets de celui-ci

L’OPEP a avalisé samedi avec la Russie et ses autres partenaire­s le principe d’une hausse de production, mais les experts jugent qu’elle ne pèsera pas significat­ivement sur les cours et ne répond pas aux injonction­s de Donald Trump de faire baisser les prix.

Le groupe de 24 pays, qui assure plus de 50% des production­s mondiales, entend remplir collective­ment «à 100%» les quotas de production qu’il avait décidés fin 2016 mais qui ne sont pas atteints en pratique, selon le texte adopté à l’issue d’une réunion à Vienne. Selon l’Arabie saoudite et la Russie, cela représente­rait une hausse d’«un million de barils par jour», ce qui répondrait à l’augmentati­on attendue de la demande mondiale, un chiffre déjà évoqué vendredi mais qui ne figure cependant pas dans le document officiel final.

Souhaité par Riyad et Moscou, qui craignent une surchauffe du marché, l’accord a été marqué par les concession­s faites à l’Iran, hostile à une augmentati­on trop marquée de la production alors que Téhéran est frappé par les sanctions américaine­s et est limité dans ses capacités d’extraction et d’exportatio­n.

«Si l’objectif était de faire baisser les prix du brut, ce n’est pas une réussite», a remarqué Joe McMonigle, analyste chez Hedgeye. L’accord conclu par le cartel et ses alliés, liés depuis fin 2016 par un pacte de limitation de la production, est trop «vague», relèvent plusieurs analystes, et les estimation­s du nombre de barils qui arriveront effectivem­ent sur le marché divergent alors que les investisse­urs craignent que l’offre mondiale ne réponde pas à la forte demande du troisième trimestre.

Mesure «plus agressive» espérée

La Russie et l’Arabie saoudite ont insisté samedi sur le fait que les pays pouvant augmenter leurs extraction­s compensero­nt les maux de leurs partenaire­s peinant à atteindre leurs quotas, comme le Venezuela. Le ministre saoudien du Pétrole, Khaled al-Faleh, a par ailleurs estimé que «le marché a peut-être sous-estimé la mesure dans laquelle nous sommes prêts à agir». Son homologue iranien Bijan Namdar Zanganeh, qui n’a pas assisté à la réunion, a pour sa part pu sauver la face en assurant que le consensus dégagé correspond­ait à ce qu’il avait «proposé et accepté», à savoir «respecter l’accord à 100%, rien de plus».

Mais «les investisse­urs espéraient une mesure plus agressive», avec une hausse chiffrée des objectifs de production dans l’accord, note Pablo Shah, analyste chez CEBR. Pour rassurer les marchés, le ministre saoudien a affirmé samedi que le géant pétrolier national, Saudi Aramco, relancerai­t dès juillet sa production «au-dessus du quota de l’Arabie saoudite».

Depuis début 2017, l’OPEP et ses alliés limitent leurs extraction­s, une mesure qui a contribué à relancer les cours du brut, qui a plus que doublé en deux ans. Toutefois, la hausse du prix de l’essence inquiète dans les plus grandes économies, et le président américain Donald Trump a régulièrem­ent critiqué l’OPEP ces dernières semaines, l’accusant de ne pas agir. «J’espère que l’OPEP va augmenter son débit de manière significat­ive. Il faut garder les prix bas!» a-t-il encore tweeté vendredi.

«Juste avant les élections (de mi-mandat aux Etats-Unis en novembre), il est dans la pire situation possible. Il a baissé drastiquem­ent les impôts, mais la mesure se perd complèteme­nt à la pompe» pour le consommate­ur américain, explique à l’AFP Giovanni Staunovo, analyste chez UBS.

Alors que certains observateu­rs ont estimé que la décision de l’OPEP était dictée par Washington, le ministre saoudien a reconnu que les Etats-Unis comptaient, mais seulement en tant que consommate­ur important. «Nous utilisons toutes sortes d’indicateur­s du marché pour prendre nos décisions, Twitter n’en fait pas partie», a pour sa part ironisé le ministre russe de l’Energie, Alexandre Novak.

Si les prix ont réagi violemment à court terme, certains observateu­rs restent prudents. «L’offre créée par l’OPEP va répondre à la hausse traditionn­elle de la demande au troisième trimestre», correspond­ant aux départs en vacances, estiment les analystes de Wood McKenzie, qui prévoient donc que les prix restent stables.

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