Le Temps

Le tatouage n’est plus un tabou dans la police allemande

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

SÉCURITÉ La police allemande cherche des jeunes. Mais bien des recrutemen­ts échouent sur la question des tatouages. Les polices régionales et fédérale sont contrainte­s de revoir leurs critères de sélection

La police allemande, en mal d'effectifs après des années d'économies sur les budgets de la sécurité, a du mal à recruter. Les causes en sont multiples. Outre les dangers liés à la profession, un phénomène de mode limite les embauches: les tatouages… Interdits au même titre que les cheveux longs ou les boucles d'oreille masculines dans les effectifs de la police jusque dans les années 1970, ils font timidement leur apparition sur les avant-bras nus des policiers en uniforme d'été depuis quelques mois. La mode des tatouages est devenue un défi pour les autorités compétente­s, au niveau tant fédéral que régional.

«Capital confiance réduit à néant»

Un quart des Allemands de moins de 30 ans et un Allemand sur 10 portent au moins un tatouage. Mais la population n'aime pas les policiers tatoués. Les conclusion­s d'une étude réalisée pour l'Ecole de police de Rhénanie-Palatinat, à l'ouest du pays, et présentée mi-juin ont surpris dans la profession. «Un

«Le capital de confiance apporté par l’uniforme est réduit à néant par la présence d’un tatouage sur l’avant-bras» FRIEDEL DURBEN, DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DE POLICE DE RHÉNANIE-PALATINAT

policier portant l'uniforme est considéré comme plus compétent qu'un policier en civil, explique le directeur de l'école, Friedel Durben, à la chaîne de télévision SWR. Mais plus un fonctionna­ire s'individual­ise par des tatouages, un piercing ou une chemise hors du pantalon, plus son capital de confiance diminue.»

«Notre enquête montre que le capital de confiance apporté par l'uniforme est réduit à néant par la présence d'un tatouage sur l'avant-bras. Qu'il soit tribal ou une succession de chiffres», explique Markus Thielgen, psychologu­e à l'Ecole de police du Land. L'enquête portait sur 241 personnes âgées de 13 à 81 ans choisies au hasard, à qui les enquêteurs ont présenté une série de photos de personnes en civil ou en uniforme, tatouées ou non. Les conclusion­s de l'étude sont identiques, quel que soit l'âge de la personne interrogée.

La justice s’en mêle

Face aux problèmes de recrutemen­t, la police allemande est contrainte depuis plusieurs années de réviser ses critères d'embauche. Elle accepte déjà les candidats plus petits (1m68 pour les hommes, 1m63 pour les femmes), ou commettant davantage de fautes dans les dictées lors du recrutemen­t. Le critère dit «du t-shirt» – qui autorise le port d'un seul tatouage, sur une partie du corps cachée par l'uniforme version «été», à condition qu'il soit conforme aux valeurs de la Constituti­on (pas de violence, pas de sexisme, et bien sûr pas de symbole politique ou extrémiste) – pourrait sauter à son tour. Surtout depuis que la justice s'en mêle.

Récemment, un tribunal de Düsseldorf a ainsi donné raison à un candidat refoulé aux portes de l'école de police parce qu'il arborait une tête de lion de grande taille tatouée sur tout l'avant-bras. «Les résultats de l'enquête sont tout frais. Et ils sont catégoriqu­es, résume Raphaël Schäfer, commissair­e et enseignant à l'Ecole de police de Rhénanie-Palatinat: les tatouages ont un effet négatif sur la perception des agents. Mais la police est le reflet de la société, et les tatouages se sont installés au coeur de celle-ci. De plus, il faudra composer avec les décisions de justice. Le ministère devra trancher et définir de nouvelles règles de recrutemen­t.»

A Berlin, plus libérale, le critère «tatouage» a été assoupli en début d'année, et il arrive depuis quelques mois de rencontrer des policiers à l'avant-bras encré. «On ouvre ainsi les portes à de nouveaux collègues talentueux, et on légalise nombre de collègues tatoués», se félicite Benjamin Jendro, du syndicat de la police GdP. ■

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