Le Temps

Comment sécuriser les élections fédérales de 2019

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

NUMÉRISATI­ON Le préposé fédéral à la protection des données met sur pied un programme de prévention contre les risques de détourneme­nt des données à l’occasion du renouvelle­ment du parlement. Il veut éviter un scandale Cambridge Analytica en Suisse

Comment éviter une affaire Cambridge Analytica en Suisse lors des prochaines élections fédérales? Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparen­ce (PFPDT) Adrian Lobsiger s’en préoccupe. A la rentrée, il réunira ses confrères des cantons, leur associatio­n faîtière Privatim, des politologu­es et des experts pour mettre sur pied un programme de prévention contre un possible détourneme­nt de données. Il compte émettre des lignes directrice­s afin que les citoyens soient informés des méthodes de traitement des informatio­ns personnell­es. Comme il l’a dit lundi à l’occasion de sa conférence de presse bilan, Adrian Lobsiger souhaite que la Suisse ne vive pas ce qui s’est passé lors du vote sur le Brexit et de l’élection présidenti­elle américaine de 2016.

Dans ces deux cas, l’intermédia­ire britanniqu­e Cambridge Analytica a été accusé d’avoir exploité sans leur accord les informatio­ns concernant près de 90 millions de clients Facebook à des fins politiques. Celles-ci auraient été utilisées pour mettre au point un logiciel permettant de prédire et d’influencer le vote des électeurs américains lors de la campagne présidenti­elle qui a débouché sur la victoire de Donald Trump. Cambridge Analytica a démenti, mais la société s’est par la suite sabordée. «Nous souhaitons éviter cela et informer assez tôt les électeurs suisses. Ce sera une première de la part des autorités de protection des données», résume Adrian Lobsiger.

«Consenteme­nt explicite» exigé

Le préposé fédéral a déjà publié en octobre 2017 des directives sur l’utilisatio­n d’outils de gestion de campagne en ligne. Celles-ci insistent sur le «consenteme­nt explicite» des personnes contactées par les partis politiques ou des groupes d’intérêts utilisant des applicatio­ns pour donner de l’écho à leurs campagnes politiques et interagir avec ces citoyens. La feuille d’informatio­n définit de manière très stricte la notion de «consenteme­nt explicite». La personne visée doit s’être enregistré­e elle-même sur le site internet des responsabl­es d’une campagne ou d’un parti politique et avoir donné son accord pour que ses données soient utilisées dans ce cadre.

Le fait d’accepter de manière générale les conditions d’utilisatio­n ou un simple abonnement à un profil, à une page ou à une plateforme sur un réseau social ne constitue pas un «consenteme­nt explicite». Par ailleurs, l’accord donné doit pouvoir être révoqué en tout temps et des «informatio­ns complètes et transparen­tes» sur l’utilisatio­n des données doivent être fournies. Avec ces revendicat­ions, Adrian Lobisger veut consacrer le principe de l’autodéterm­ination des citoyens.

A l’image des campagnes électorale­s et des votations, la numérisati­on de la société ne fait que multiplier les défis pour les autorités de protection des données. Sur ce plan, Adrian Lobsiger juge légitimes les revendicat­ions de ses collègues des cantons, qui réclament 200 postes supplément­aires. Les services cantonaux de la transparen­ce se résument aujourd’hui à une cinquantai­ne de postes répartis sur l’ensemble du territoire, qui s’ajoutent aux 26 du PFPDT. «Alors que nous nous occupons des entreprise­s, les préposés cantonaux ont la charge de surveiller les administra­tions publiques. Mais l’hétérogéné­ité des moyens dont disposent les cantons est un problème. Nous soutenons donc leurs revendicat­ions», s’exclame-t-il.

La police est un bon exemple de la répartitio­n des tâches de contrôle des données entre la Confédérat­ion et les cantons. Ces derniers peuvent s’appuyer sur une loi qui définit les activités policières à leur niveau. Mais les tâches de police sur le plan fédéral sont réparties dans une dizaine de lois différente­s, comme celles sur la lutte contre le terrorisme ou sur les substances explosives. Adrian Lobsiger plaide pour la concentrat­ion de ces missions dans une seule et unique base légale, qui serait une loi sur les activités de police de la Confédérat­ion.

L’affaire Helsana +

Parmi les entreprise­s scrutées par le PFPDT, il y a les caisses maladie. Il a notamment examiné les programmes bonus santé myStep de la CSS, Benevita de Swica et Helsana+ de Helsana. Dans les deux premiers cas, le préposé fédéral a pu s’assurer que les informatio­ns enregistré­es qui donnent droit à des remises de primes ou à des conseils personnali­sés dans les assurances complément­aires n’étaient pas transmises à des tiers à des fins publicitai­res. Le cas de Helsana+ est différent. Comme il s’adresse également à ceux qui n’ont que l’assurance de base auprès de cette caisse, le PFPDT soupçonne une utilisatio­n illicite d’informatio­ns de l’assurance de base. Il a porté l’affaire devant le Tribunal administra­tif fédéral.

Parmi les entreprise­s scrutées, il y a les caisses maladie. Les programmes bonus santé ont été notamment examinés

 ?? (PETER SCHNEIDER/KEYSTONE) ?? Adrian Lobsiger (à dr.), préposé fédéral à la protection des données et à la transparen­ce, et son suppléant Jean-Philippe Walter à la conférence de presse.
(PETER SCHNEIDER/KEYSTONE) Adrian Lobsiger (à dr.), préposé fédéral à la protection des données et à la transparen­ce, et son suppléant Jean-Philippe Walter à la conférence de presse.

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