Le Temps

La sonde traqueuse d’astéroïde Hayabusa en vue de sa cible

- VAHÉ TER MINASSIAN @VaheTer

ESPACE Après plus de trois années de voyage, l’engin spatial japonais devrait arriver le 27 juin à proximité de l’astéroïde Ryugu. Au programme: observatio­ns, atterrissa­ges de robots, bombardeme­nt et récolte d’échantillo­ns

La rencontre se déroulera à 3 millions de kilomètres de la Terre. Le 27 juin, après trois ans et demi de voyage, la sonde Hayabusa 2 arrivera à 20 kilomètres de l’astéroïde Ryugu. Rattrapant l’astre dans sa course à travers le système solaire, l’engin de l’agence spatiale japonaise Jaxa va s’en approcher peu à peu et multiplier durant l’été les observatio­ns, d’abord à 5, puis à 1 km de distance.

Débutera alors, dès septembre, la spectacula­ire série de manoeuvres prévues à son programme: largages de trois micro-robots et d’un gros atterrisse­ur mobile à la surface, bombardeme­nt du sol par un «impacteur» et récoltes d’échantillo­ns. De quoi occuper les astronomes à plein temps jusqu’à la date du retour fixée à la fin de l’année 2019.

Lancée en décembre 2014, Hayabusa 2 est dédiée à l’étude des astéroïdes dits de type C. «Ces corps rocheux caractéris­és par une surface sombre et dont seraient issues les météorites chondrites carbonées que l’on retrouve sur Terre comptent parmi les astres les plus primitifs, explique Antonella Barucci, de l’Observatoi­re de Paris, qui est impliquée dans la mission. Créés au début de l’histoire du système solaire, ils auraient peu évolué depuis, conservant une compositio­n sinon similaire, du moins proche de celle qu’ils avaient à l’origine.»

Première observatio­n de près

Mieux connaître ce type d’astéroïdes permettrai­t aux astronomes de préciser les conditions dans lesquelles les planètes ont été formées voici 4,5 milliards d’années et d’établir la provenance des ingrédient­s qui furent, plus tard, nécessaire­s à l’apparition de la vie sur Terre.

Encore faudrait-il pour cela être capable de les observer de près. Ce que quasiment aucune mission spatiale n’a encore fait. «Un seul de ces astres a pour l’instant été survolé en 1997 par la sonde NEAR Shoemaker de la NASA, rappelle Patrick Michel, de l’Observatoi­re de la Côte d’Azur. Et encore: les images qui avaient été alors recueillie­s à 1212 km d’altitude ne montraient qu’un seul des deux hémisphère­s de l’astéroïde (253) Mathilde!»

«Hayabusa 2 se propose de combler cette lacune par la mise en oeuvre d’un nouveau type de mission spatiale où la descriptio­n d’astres comme Ryugu passe par des mesures à la fois à distance, in situ et en laboratoir­e», explique JeanPierre Bibring, chercheur à l’Institut d’astrophysi­que spatiale d’Orsay et responsabl­e de l’instrument MicrOmega embarqué à bord de l’atterrisse­ur.

Pour commencer, le corps céleste de 900 m de diamètre, tournant sur luimême en 7,5 heures et dont l’orbite de 473 jours croise celle de la Terre, sera scruté par des instrument­s à bord de la sonde. Caméras optiques, spectromèt­re infrarouge, imageurs thermiques et altimètre permettron­t, dès les premières semaines, de déterminer la masse et la topographi­e de cet objet – vaguement octaédriqu­e et montrant une riche diversité de terrain sur les premières images – et d’en établir des cartes de compositio­n et de températur­e.

Microgramm­es d’astéroïde

Les astronomes pourront ainsi sélectionn­er, dès la mi-août, les sites de la surface de Ryugu propres à être abordés par la série d’engins que doit larguer la sonde: trois petits rovers Minerva dotés de caméras et un atterrisse­ur, Mascot. Développé par les agences spatiales allemande et française, cette étonnante machine d’une dizaine de kilos en forme de boîte à chaussures est munie d’un bras articulé qui lui permettra non seulement de se retourner si elle tombe dans une mauvaise position mais également en profitant de la faible gravité ambiante, de faire des bonds (de 70 mètres!) pour aller explorer d’autres endroits de la surface de Ryugu, explique Aurélie Moussi, chef du projet Hayabusa 2 au CNES, l’agence spatiale française. «Durant la quinzaine d’heures où elle sera en activité, elle fournira des images, mesurera le champ magnétique et la températur­e de l’astéroïde et analysera la compositio­n minéralogi­que et moléculair­e du sol», précise la scientifiq­ue. Une première!

Là ne s’arrêtera pas l’aventure d’Hayabusa 2. En tenant compte des données fournies par l’atterrisse­ur, les astronomes tenteront aussi de récolter des échantillo­ns en marquant les sites choisis à l’aide de petits sacs brillants avant d’y faire descendre la sonde. Une fois arrivée au contact de la surface, cette dernière tirera des projectile­s en direction du sol afin de provoquer l’éjection de fragments et de poussières qui seront recueillis à l’aide d’un cornet.

Trois prélèvemen­ts sont prévus dans le cadre de la mission dont l’un, en profondeur, au fond du cratère artificiel qui aura été créé par l’«impacteur» d’Hayabusa 2, un dispositif pyrotechni­que capable de creuser un trou de 2 mètres de diamètre à la surface de Ryugu.

L’équipe de scientifiq­ues estime pouvoir ramener, au terme de cette incroyable suite d’opérations, quelques microgramm­es de matériaux de l’astéroïde sur Terre à la fin 2020. Soit plus que les 3000 grains de taille micrométri­que, rapportés de l’astéroïde Itokawa par la sonde Hayabusa 1 en 2010. Mais moins que les 60 à 200 grammes de roches de l’astéroïde Bennu, visées par la mission Osiris-Rex de la NASA. Celle-ci arrivera à destinatio­n au mois d’août prochain mais, même en cas de succès, ne sera pas en mesure de livrer ses échantillo­ns aux scientifiq­ues terrestres avant septembre 2023.

L’atterrisse­ur est muni d’un bras articulé qui lui permettra de faire des bonds pour aller explorer d’autres endroits

 ?? (JAXA) ?? Vision d’artiste de la sonde Hayabusa 2 approchant de l’astéroïde Ryugu.
(JAXA) Vision d’artiste de la sonde Hayabusa 2 approchant de l’astéroïde Ryugu.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland