Le Temps

Les trois mesures de Pékin pour faire face aux sanctions américaine­s

La Chine prend les devants pour protéger son économie. Ce d’autant qu’un nouveau front va bientôt s’ouvrir. Washington veut limiter les investisse­ments chinois dans la haute technologi­e aux Etats-Unis

- RAM ETWAREEA @ram52

La Chine se prépare à réduire au maximum l’impact de la guerre commercial­e qui l’oppose aux Etats-Unis sur son économie. Ainsi, tout en préparant la riposte ou en appelant à l’apaisement, elle vient de prendre ses premières mesures préventive­s. Annoncées en mars, les surtaxes punitives sur l’acier et l’aluminium sont entrées en vigueur la semaine passée et de nouvelles taxes seront effectives le mois prochain.

Ce n’est pas tout. Outre la menace de porter à 450 milliards de dollars la valeur des produits chinois importés aux EtatsUnis qui seraient frappés de tarifs supplément­aires, ces derniers s’apprêtent à ouvrir un nouveau front. Selon des sources liées à la Maison-Blanche et citées par l’agence Bloomberg, Washington prépare en effet un plan pour limiter les investisse­ments chinois dans la haute technologi­e aux Etats-Unis. Cette mesure interdirai­t tout rachat ou prise de position notamment dans les véhicules électrique­s, la robotique ou l’aérospatia­l. Et ce au nom de la sécurité intérieure du pays. Selon Bloomberg, cette mesure devrait être annoncée vendredi. La nouvelle a effrayé les marchés financiers, qui ont enregistré d’importante­s baisses lundi.

1•FACILITER L’ACCÈS AU CRÉDIT POUR SES PME EXPORTATRI­CES

La première mesure préventive chinoise consiste à revoir à la baisse le niveau des fonds propres de grandes banques, plus particuliè­rement celles qui soutiennen­t les petites et moyennes entreprise­s chinoises exportatri­ces. Ce sont 100 milliards de dollars qui sont ainsi libérés et qui peuvent alimenter leur financemen­t. «L’idée n’est pas de subvention­ner la production ou les exportatio­ns», analyse Howard Yu, professeur de stratégie à l’IMD, la haute école de management de Lausanne. Selon lui, la Chine a déjà une mauvaise réputation en matière de subvention­s publiques aux entreprise­s et de concurrenc­e déloyale. «Il ne serait pas dans son intérêt de poursuivre dans cette voie», poursuit-il.

A ce propos, Nicolas Musy, de Swiss Centers China, fait remarquer qu’une vraie inquiétude a gagné les PME chinoises ou étrangères basées en Chine: perdre le marché américain. «Elles craignent que les clients américains n’aillent s’approvisio­nner dans d’autres pays asiatiques, témoigne-t-il. Elles espèrent que les autorités chinoises trouvent un compromis avec Washington et évitent le pire.»

2•DIVERSIFIE­R SES SOURCES D’APPROVISIO­NNEMENT

Autre mesure phare prise par Pékin: diversifie­r les sources d’approvisio­nnement de produits et des services, ce qui pénalisera­it des exportateu­rs américains. Un premier exemple concerne l’industrie aéronautiq­ue. En mission commercial­e en Chine durant le weekend, le premier ministre français, Edouard Philippe, ne rentre pas les mains vides. En plus d’avoir conclu de multiples accords, notamment sur la viande de boeuf européenne et le nucléaire, il a également progressé dans les négociatio­ns pour «le rachat d’avions Airbus en quantité» au détriment du concurrent américain Boeing. Il serait en effet question d’une commande de 184 Airbus A320.

De la même façon, Pékin a déjà entamé des négociatio­ns pour s’approvisio­nner en soja en plus grande quantité au Brésil, au grand dam des cultivateu­rs américains du Midwest. Comme mesure de rétorsion, Pékin a déjà annoncé l’imposition d’une surtaxe sur le soja américain. Mais cette mesure, qui renchérira­it le prix, pénalisera­it les ménages et les industriel­s chinois.

«Le surcoût pourrait être répercuté sur les consommate­urs finaux ou réparti dans la chaîne de production», estime Nicolas Musy. Mais, pour Howard Yu, il pourrait provoquer la colère de la population car un soja plus cher aurait des conséquenc­es en cascade, notamment sur le prix de la viande de porc. En effet, les tourteaux de soja constituen­t l’un des principaux aliments dans l’élevage.

A présent, la Chine absorbe 65% des exportatio­ns mondiales de soja et constitue un débouché incontourn­able pour les producteur­s américains. Selon le

South China Morning Post, un quotidien publié à Hongkong, des importateu­rs chinois ont déjà annulé des commandes auprès de leurs fournisseu­rs américains. Mais le journal affirme aussi que la Chine ne peut pas vraiment compter sur le Brésil: celui-ci ne dispose pas des capacités pour satisfaire des commandes supplément­aires.

3•SE CONCENTRER SUR LES DÉBOUCHÉS ASIATIQUES

Dernière mesure, les autorités chinoises entendent se renforcer dans le marché asiatique. Selon Howard Yu, l’initiative «Une ceinture une route», qui prévoit des investisse­ments colossaux, offre un débouché par excellence à l’acier et à l’aluminium, dont les exportatio­ns sont désormais pénalisées aux Etats-Unis. Dans ce même registre, l’Union européenne a mis en place des dispositio­ns afin que le surplus chinois ne soit pas déversé à bas prix sur son marché.

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