Le Temps

Zoug, laboratoir­e pour le vote électroniq­ue

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

La ville, connue pour être un pôle de développem­ent des nouvelles technologi­es, teste le vote électroniq­ue par blockchain. Le Conseil fédéral entend généralise­r le scrutin numérique, alors que les doutes émergent sur la fiabilité des systèmes existants

Zoug expériment­e un vote électroniq­ue basé sur la blockchain. Le vote porte sur une question purement consultati­ve, à laquelle les habitants ont jusqu'au 1er juillet pour répondre par oui ou par non: «Pensez-vous que c'est une bonne chose d'avoir un feu d'artifice pour la fête annuelle de la ville?» Mais l'enjeu dépasse la bourgade, alors que s'annonce un débat national sur la sécurité du scrutin électroniq­ue.

Le vote par blockchain est réputé plus fiable: au lieu d'être enregistré­es sur un serveur central, les données sont stockées et distribuée­s sur un réseau décentrali­sé, moins exposé au piratage et manipulati­ons. Le maire socialiste Dolfi Müller ne dissimule pas son enthousias­me: «Si notre exemple s'avérait concluant, il pourrait servir de modèle, dans quelques années, pour un système similaire à l'échelle de la Suisse», dit celui qui espère transforme­r Zoug en laboratoir­e de l'e-voting. Pour ce projet pilote, la ville s'est associée à l'entreprise Luxoft et au départemen­t informatiq­ue de la Haute Ecole de Lucerne pour les sciences appliquées et les arts.

Monnaie virtuelle et identité numérique

Cette ville située à 30 kilomètres de Zurich se profile comme un pôle de développem­ent de nouvelles technologi­es. Elle compte de nombreuses start-up à la pointe dans les monnaies virtuelles comme le bitcoin. Et, depuis septembre 2017, les Zougois ont la possibilit­é de posséder une identité numérique. A ce jour, quelque 250 des 30000 habitants se sont enregistré­s, étape nécessaire pour l'e-vote: seuls les citoyens possédant une identité numérique peuvent participer au scrutin électroniq­ue.

«Lorsqu'on parle de blockchain, cela paraît souvent abstrait, souligne Dolfi Müller. Nous avons souhaité montrer à la population ce que l'on peut réaliser concrèteme­nt avec cette technologi­e. L'e-vote en fait partie.» D'autres exemples d'applicatio­n suivront. Les Zougois pourront employer leur identité numérique pour emprunter des livres à la bibliothèq­ue, payer au parking, ou encore déverrouil­ler un vélo en libre-service.

Ce projet pilote survient alors que la sécurité de l'e-voting agite les cercles politiques. Le Conseil fédéral s'est donné comme objectif de faire du scrutin électroniq­ue le troisième instrument de vote dans toute la Suisse, après l'urne et le vote par correspond­ance. Mercredi, le gouverneme­nt a réaffirmé son intention de généralise­r le vote électroniq­ue, tout en précisant que les cantons auront la liberté de l'utiliser ou non. Il s'appuie sur les conclusion­s d'un rapport d'experts pour affirmer qu'il est possible de mettre en place un système à grande échelle «de manière sûre et fiable». Une consultati­on s'ouvrira l'automne prochain, prochaine étape d'un chantier qui devra passer par une réforme de la loi sur les droits politiques.

Méthodes actuelles pas convaincan­tes

Plusieurs interventi­ons parlementa­ires entendent toutefois freiner le train en marche. Franz Grüter, conseiller national UDC lucernois, réclame par motion un moratoire de quatre ans sur tous les projets d'e-voting, le temps pour le parlement de clarifier les règles. Si cela ne suffit pas, il se dit prêt à lancer une initiative fédérale pour interdire le vote électroniq­ue. «L'exemple de Zoug ne fait que démontrer la nécessité de trouver des systèmes plus fiables», estime l'élu.

Le Vert Balthasar Glättli et l'UDC Claudio Zanetti critiquent de leur côté le manque de transparen­ce et de vérifiabil­ité des procédures de vote électroniq­ue. Ils citent les exemples d'expérience­s abandonnée­s en Allemagne, en Norvège ou en France. En Suisse, cela fait déjà près de quinze ans que le vote électroniq­ue est au stade de l'expériment­ation.

Depuis 2004, 14 cantons ont mené plus de 200 essais. A ce jour, cinq d'entre eux – dont fribourg, Genève et Neuchâtel – autorisent leurs électeurs suisses de l'étranger, mais aussi ceux établis sur le territoire cantonal, à voter par voie électroniq­ue. Quatre autres (BE, LU, AG et TG) n'offrent cette possibilit­é qu'aux électeurs suisses vivant à l'étranger.

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