Le Temps

Face à Trump, la débandade européenne

- SYLVAIN BESSON @SylvainBes­son

La visite du président iranien, Hassan Rohani, en Suisse, lundi et mardi, sera riche en flonflons officiels et en propos optimistes sur les relations bilatérale­s. Il n’y manquera que l’essentiel: un aveu clair, de la part du Conseil fédéral, qu’il ne peut rien faire pour protéger les entreprise­s helvétique­s du très long bras des sanctions américaine­s contre l’Iran.

La promesse d’investisse­ments européens massifs était la contrepart­ie obligée à l’abandon par Téhéran de son programme nucléaire. Maintenant que les Etats-Unis quittent l’accord et rétablisse­nt des sanctions drastiques contre l’Iran, on pourrait s’attendre à ce que les Européens tiennent bon et tentent de respecter leur part du contrat.

Il n’en est rien. Les unes après les autres, les grandes entreprise­s du Vieux Continent annoncent qu’elles abandonnen­t ou gèlent les projets mis en route en Iran ces dernières années. Le ministre français Bruno Le Maire a placidemen­t reconnu que l’Europe ne pouvait rien faire contre le coup de force américain.

En Suisse, l’administra­tion fédérale a prévenu les entreprise­s qu’elle ne garantirai­t pas leurs affaires en Iran contre les sanctions. Invoquer la souveraine­té ou l’indépendan­ce de la Suisse n’y fera rien. Il n’existe pas de papier magique que le Conseil fédéral pourrait sortir de son chapeau afin d’immuniser les exportateu­rs helvétique­s contre les foudres de Washington.

Le pouvoir de contrainte américain repose sur deux armes combinées et imparables. L’usage universel du dollar oblige presque toutes les banques du monde à se plier aux mesures décidées par Washington. Les «sanctions secondaire­s» peuvent viser des entreprise­s non américaine­s commerçant avec l’Iran, les transforma­nt en pestiférée­s économique­s. Donald Trump a promis d’utiliser ces leviers avec la brutalité nécessaire, y compris contre les Européens. La prochaine étape, a annoncé Washington, sera de «faire tendre vers zéro» les exportatio­ns iraniennes de pétrole vers l’Europe, l’Inde ou la Chine.

Quand le président américain a décrété le retrait de l’accord avec l’Iran, certaines voix ont clamé que les Etats-Unis se retrouvera­ient «isolés» face à un axe Bruxelles-Téhéran-Pékin. Ce n’est qu’une chimère. La débandade des Européens sur l’Iran montre que Washington reste le maître – contesté mais indéboulon­nable – du grand jeu mondial.

Washington reste le maître du grand jeu mondial

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