Le Temps

Mais encore…

Quoi de plus badass qu’un vampire? Une créature qui le suce… Cette petite punaise d’apparence modeste se délecte du sang de ses proies, chauves-souris incluses. Elle peut même apprécier celui de l’homme

- FRANÇOIS MANGE

Faites la connaissan­ce du réduve, cette punaise d’apparence modeste qui se conduit tantôt comme un ninja, tantôt comme un vampire. Plongez dans les archives du Journal de Genève pour comprendre ce que Mai 68 doit aux sages de l’Antiquité grecque. Ou lancez-vous un défi pour chaque mois de l’année, comme le fait la première de nos challenger­s de l’été.

Question badass, Batman en connaît un rayon. Orphelin solitaire, justicier nocturne, briseur de fémurs mais surtout, homme chauve-souris: avec ces incarnatio­ns de la nuit, Bruce Wayne a bien choisi son totem. Rien n’est plus badass qu’un vampire… Sauf, bien entendu, les créatures qui sucent le sang des vampires: les réduves.

Cette famille de punaises, communémen­t appelées punaises assassines, compte parmi ses membres de redoutable­s assassins. Et pour tomber sur leurs proies, les réduves n’ont guère besoin de grappins, de batarang ou de ceinture garnie de gadgets hors de prix. Une simple trompe incurvée – ou rostre – leur suffit. Il faut dire que cet appendice est un véritable poignard.

Un documentai­re réalisé par les musées de la Smithsonia­n Institutio­n montre un des membres de cette famille,

Pristhesan­cus plagipenni­s, à l’attaque. Perchée sur une branche, la punaise rouge et noire se déplace avec la souplesse d’un ninja. Une fois sa proie à portée, elle bondit sans un bruit et l’attrape avec ses pattes avant. C’est alors qu’elle la poignarde de son rostre. Le venin que le réduve injecte à sa victime la liquéfie de l’intérieur. Pratique, l’arme du crime se transforme ensuite en paille, lui permettant de siroter tranquille­ment son repas.

Sans connaître précisémen­t l’âge de Batman, on sait qu’il aura fallu à Bruce Wayne plus d’une décennie pour vaincre sa peur des chauves-souris. La performanc­e impression­ne peut-être, mais elle fait bien rire les réduves. Dès le stade de nymphe, soit l’étape intermédia­ire entre la larve et l’individu final, certains d’entre eux sont déjà capables de vampiriser les vampires.

Dans un autre documentai­re réalisé par le National Geographic,

filmé au fond d’une caverne dans laquelle même Batman n’aurait osé s’aventurer, on voit ainsi l’un des membres de cette famille d’assassins se repaître du sang d’une chauve-souris environ vingt fois plus grande. Comble du raffinemen­t et de la sournoiser­ie, le rostre injecte un anesthésia­nt dans les tissus de la victime, si bien que la malheureus­e se vide de son sang sans ressentir de douleur.

La version masquée

«Certains réduves sont vraiment cool, s’enthousias­me Denise Wyniger, courageuse entomologi­ste bâloise. En plus de nous débarrasse­r des araignées et d’autres insectes, ils font le ménage», rit-elle. La biologiste fait notamment référence au réduve masqué, Reduvius personatus. Oui, lui aussi peut porter un masque, mais en aucun cas pour protéger son identité comme certains chiroptère­s… Les réduves masqués utilisent de petits peignes qu’ils ont au bout de leurs pattes pour se fabriquer un masque sur mesure.

Ils sécrètent une substance gluante qui accroche ainsi la poussière présente dans la maison et les dissimule aux yeux de leurs proies. Dans la nature, ils peuvent utiliser des morceaux de la carapace vide de leurs victimes pour se fabriquer un masque, façon Hannibal Lecter. Surveillez bien votre plancher. «Si vous voyez des tas de poussière se balader chez vous, ce sont peut-être des réduves», explique Denise Wyniger. Des réduves qui font le ménage? Dans une famille d’assassins, ce n’est pas si surprenant.

«C’est vrai que certains d’entre eux peuvent se transforme­r en de vrais imposteurs, raconte Denise Wyniger. Ils se cachent parfois sur des fleurs, attendant qu’une abeille passe… en embuscade.» Ce type de réduve qui semble apprécier les arômes floraux et sucrés des entrailles des abeilles est d’ailleurs appelé… tueur d’abeille. Masqués ou non, les réduves ne crachent pas sur un peu de sang humain de temps en temps. Certains membres de la famille comme les Triatomina­e, plus communémen­t connus sous le nom de triatomes ou encore de kissing bugs en Amérique où ils ont leurs habitudes, en raffolent même.

Installée dans le matelas, la punaise vampire se repose pendant la journée, attendant patiemment le retour de son menu. Quand la lumière du jour se dissipe, elle commence à avoir faim. La nuit venue, le dioxyde de carbone exhalé par les humains assoupis la guide jusqu’à son assiette. Le triatome se faufile ainsi silencieus­ement vers la tête, le visage, puis se rapproche des lèvres… et les embrasse.

Le prédateur nocturne rejoue La belle

au bois dormant, mais plutôt que de vous réveiller, ils pourraient au contraire vous plonger dans un sommeil… éternel. Vecteur d’un parasite responsabl­e de la maladie de Chagas, la punaise infecte environ 300000 personnes par an et la maladie entraîne 13000 décès, selon les statistiqu­es de l’Organisati­on mondiale pour la santé. Au stade chronique, les malades souffrent de terribles maladies cardiaques. Et les réduves y sont complèteme­nt insensible­s: ces tueurs nocturnes n’ont pas de coeur, évidemment…

Demain: la cuboméduse, ce poison des mers du Sud

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(DIDIER DESCOUENS/CREATIVE COMMONS)

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