L’Université de Genève choisit la continuité
Yves Flückiger continuera de piloter l’institution jusqu’en 2023. Sa campagne de réélection a payé, malgré les critiques sur son manque de vision portées par certains professeurs
Yves Flückiger a été réélu à son poste de recteur par l’Assemblée de l’Université de Genève, son organe suprême, par 30 voix sur 45 (dont 1 contre, 3 abstentions et 11 voix non exprimées pour cause d’absence), lors d’un vote à bulletin secret. Il entamera donc, à l’été 2019, un second mandat de quatre ans à la tête de l’institution. On est loin des successions rocambolesques du début du siècle.
Cette réélection n’a pas fait un pli, lors d’une procédure qui veut que le recteur et l’Assemblée doivent d’abord décider s’ils veulent continuer à travailler ensemble, avant d’ouvrir, le cas échéant, le recrutement à l’extérieur. Yves Flückiger a mené une campagne ciblée auprès de ses électeurs. Dès l’officialisation de sa candidature, le 23 mai, il a rencontré lors de longues séances de questions-réponses les professeurs (20 voix à l’Assemblée), les collaborateurs de l’enseignement et de la recherche (10 voix), le personnel administratif et technique (5 voix) et les étudiants (10 voix).
C’est avec les premiers que la partie a été la plus serrée. «Yves Flückiger est un gestionnaire, il n’a aucune vision. Sa stratégie est en réalité une suite d’opportunités», dit l’un d’eux. «Il y a eu des couacs durant son mandat, dit une autre source. Mais il a à peu près tenu le cap. Je le dis d’autant plus volontiers que je n’étais pas enthousiaste lors de son élection.» Et le premier d’ajouter: «Il maîtrise bien ses dossiers, il connaît la maison, il s’est montré extrêmement motivé. Il est peu autoritaire et consensuel. Il a donc les qualités pour le poste.»
Le recteur compte également de vrais soutiens dans le corps enseignant. «Je tire un bilan positif de l’action d’Yves Flückiger, dit Nicolas Gisin, professeur de physique. L’Université rassemble des personnes aux convictions très différentes. Il sait les écouter et décider. Ceux qui se plaignent de son manque de vision sont les mêmes qui contesteraient toute stratégie exprimée plus directement. Prolonger son mandat est conforme à ce qui était voulu par la nouvelle loi sur l’Université: assurer une continuité à la tête de l’institution.»
Course aux classements
La course aux classements internationaux dans laquelle l’Université s’est lancée, avec succès, repose en partie sur les corps intermédiaires, chargés notamment de faire tourner la machine de l’enseignement. La campagne du recteur a porté ses fruits, là aussi. «Nous lui avons demandé une clarification des conditions de promotion au sein de l’Université. D’autre part, la publication d’articles est un critère qui pèse beaucoup dans les nominations, rappelle Yasmine Atlas, de la Faculté des lettres. Nous voulons que la qualité de l’enseignement soit également prise en compte et reconnue comme une vraie compétence. Yves Flückiger s’est montré réceptif sur ce point.»
L’enquête menée cet hiver suite aux soupçons de sexisme soulignait des failles dans la politique de ressources humaines. Une proposition issue des corps intermédiaires pourrait améliorer les choses. «Nous avons bon espoir qu’une mesure que nous avons proposée soit appliquée par le rectorat, dit Ignace Cuttat, assistant au Département d’histoire: ajouter un répondant supplémentaire dans la relation entre doctorant et directeur de thèse. Cela permettrait à notre sens de désamorcer des problèmes potentiels entraînés par la dépendance du premier envers le second.»
N’était le sentiment grandissant chez les étudiants de n’être considérés que comme des sources de revenus, le dernier mandat d’Yves Flückiger partira sur des bases apaisées. Le recteur voit dans ce vote, que le Conseil d’Etat doit valider, «un soutien fort» à un travail d’équipe et une «confirmation des orientations stratégiques» prises par le rectorat.
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Le recteur compte de vrais soutiens dans le corps enseignant