Le Temps

Glencore lance une campagne de com en pleine tempête

- SYLVAIN BESSON @SylvainBes­son

Le géant zougois vante ses méthodes de production en République démocratiq­ue du Congo, au moment où il est accusé de complicité dans le pillage des ressources du pays

Glencore, le géant zougois des mines et du négoce de matières premières, s'est lancé dans une vaste campagne pour redorer son image. L'initiative survient au moment où il affronte des soupçons de corruption dans l'un de ses fiefs, la République démocratiq­ue du Congo.

L'entreprise a révélé mardi devoir remettre des documents au Départemen­t américain de la justice sur ses activités en RDC, au Nigeria et au Venezuela, dans le cadre d'une possible enquête pour corruption et blanchimen­t. Le lendemain, Glencore organisait à Lausanne un briefing destiné aux médias pour vanter l'excellence de ses pratiques de production, notamment en RDC. Une conférence similaire doit avoir lieu ce jeudi à son siège de Baar (ZG). En parallèle, l'entreprise diffuse le même message en direction des gouverneme­nts et des ONG.

Cette offensive de charme suit de peu la publicatio­n par Glencore, le 29 juin, de ses versements aux gouverneme­nts dans les pays où elle opère. Le rapport détaille en particulie­r ses paiements aux autorités en RDC. Glencore y est engagée dans un bras de fer avec le gouverneme­nt central, qui veut quintupler les taxes à l'exportatio­n sur les métaux comme le cuivre et le cobalt, secteurs où la multinatio­nale suisse est leader mondial.

«Il y a une perception selon laquelle les mines ne contribuen­t pas au bienêtre du pays, expliquait mercredi à Lausanne Anna Krutikov, responsabl­e du développem­ent durable de Glencore. C'est pour cela que nous avons fourni une vision détaillée de notre contributi­on au développem­ent économique de la RDC et des détails sur les impôts que nous y avons payé depuis trois ans.»

Détail des versements aux autorités congolaise­s publiés

L'entreprise indique avoir versé 1,1 milliard de dollars aux autorités congolaise­s de 2015 à 2017, sous forme de taxes payées par ses filiales Katanga et Mutanda Mining. S'y ajoutent 1,5 milliard d'investisse­ments pour améliorer ses capacités de production sur place, 217 millions de dollars de salaires pour plus de 22000 employés, et plus de 40 millions dépensés dans des projets de développem­ent locaux (santé, éducation, assainisse­ment de l'eau – un domaine dans lequel les mines de Glencore ont fait l'objet de critiques récurrente­s).

Glencore victime de Dan Gertler?

En revanche, ce rapport ne dit rien des rapports de Glencore avec Dan Gertler, un homme d'affaires israélien placé sous sanctions par le Trésor américain en décembre pour avoir bénéficié de «contrats opaques et corrompus» de la part des autorités de RDC. Jusqu'à l'an dernier, il a été actionnair­e avec Glencore de l'une de ses mines clés, Katanga Mining. Il recevra encore plus de 100 millions d'euros de royalties de la part de la société zougoise cette année. L'associatio­n avec Dan Gertler, un proche du président congolais Joseph Kabila, est reprochée au groupe zougois par les ONG depuis des années.

Sans le dire explicitem­ent, l'entreprise se considère comme victime des agissement­s de son ex-associé. Ne pas payer les dividendes dus à l'Israélien aurait exposé Glencore, devant la justice britanniqu­e, à des dédommagem­ents qui auraient pu avoisiner le milliard de dollars. Dan Gertler a aussi obtenu un jugement favorable d'un tribunal congolais, qui lui aurait permis de saisir pour plus de 3 milliards d'actifs miniers de Glencore en RDC. Des montants qui relativise­nt les risques liés à l'actuelle enquête judiciaire américaine.

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