Le Temps

Dans le désordre mondial, l’Europe devra choisir

- RICHARD WERLY, AIX-EN-PROVENCE @LTwerly

Aux Rencontres économique­s annuelles d’Aix-enProvence, la capacité de l’Europe à résister aux assauts commerciau­x américains a fait l’objet de vifs débats

La question ne lui a pas été posée. Les Rencontres économique­s annuelles d’Aix-en-Provence se sont donc achevées, dimanche, sans que Christine Lagarde confirme, ou non, si elle pourrait briguer en 2019 la présidence de la Commission européenne. Mais sur l’Europe, en revanche, la patronne du FMI s’est longuement exprimée.

Priorité, en pleine guerre commercial­e? La relance impérative de la «machine à convergenc­e», surtout au sein de la zone euro pour laquelle elle défend l’idée d’un budget propre acté, mais toujours pas approuvé: «La capacité budgétaire commune est une nécessité, a-t-elle rappelé. La Banque centrale européenne a fait ce qu’elle a pu. C’est au tour des Etats membres d’assurer l’avenir de la monnaie unique en investissa­nt d’urgence, par exemple, dans des projets transnatio­naux, mais aussi, pourquoi pas, pour créer un fonds d’interventi­on social, afin d’aider les pays qui en auront besoin en cas de nouvelle crise. Dans le rapport de force entre les Etats-Unis, d’une part, et la Chine, de l’autre, l’Europe peut jouer une carte particuliè­re.»

Les blocages populistes

Difficile, toutefois, de garder cet optimisme au fil des débats et des interventi­ons sur le site universita­ire d’Aix. Deux entreprise­s européenne­s de taille mondiale, le pétrolier Total et l’armateur CMA-CGM, y ont ainsi confirmé leur abandon de toutes opérations avec l’Iran, pour éviter de se retrouver frappé par les sanctions extraterri­toriales décrétées par les Etats-Unis.

Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, si peu confiant dans la capacité de l’UE à résister, s’est même publiqueme­nt trompé, déplorant que l’UE n’ait pas, lors du premier train de sanctions en 1993, «traîner les Etats Unis devant l’OMC». Ce qui est faux. L’Union avait alors entamé la procédure, puis l’avait retirée suite à un accord formel avec Washington. Un recours est de nouveau envisagé.

Le handicap de l’UE? Son fonctionne­ment, et le blocage des populistes. La déclaratio­n finale des rencontres d’Aix appelle d’ailleurs à «reconstrui­re l’Europe autour de ses valeurs fondamenta­les avec ceux qui les partagent, tout en conservant le socle économique et financier». En ajoutant: «Nous sommes conscients que cela pourrait remettre en cause le fonctionne­ment des organisati­ons existantes. C’est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel de consolider les dispositif­s financiers et fiscaux en place.»

Oui, donc, à la finalisati­on de l’Union bancaire. Oui à une réforme du Fonds européen d’ajustement à la mondialisa­tion trop peu doté. Et oui à une politique de la concurrenc­e sans merci vis-à-vis des géants de l’internet, comme le préconise l’autre femme évoquée pour succéder à Jean-Claude Juncker: la commissair­e danoise Margrethe Vestager. Pour le reste, difficile d’échapper au pessimisme.

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