A Aix-en-Provencerniers feux avant transformations
Bernard Foccroulle dirige pour la dernière fois le’art lyrique, qu’il aura durablement marqué. Deux parutions en témoignent. Tour d’horizon de la 70e édition
Vincent Huguet offre une version poignante de «Didon et Enée». Servie notamment par le choeur soyeux et l’ode l’Ensemble Pygmalion, l’oeuvre d’Henry Purcell bénéficie d’une réactualisation qui sonne juste.
C’est une drôle d’année. Entre nostalgie et espoir, célébrations et découvertes diverses. Le Festival d’Aix-en-Provence souffle 70 bougies, et son académie, fondée par Stéphane Lissner, affiche déjà 20 ans. Ces deux raisons suffisent en elles-mêmes à de beaux événements. S’y ajoutent encore le départ de Bernard Foccroulle, après douze ans de direction, et l’arrivée de son successeur, Pierre Audi, qui aura tenu les rênes de l’Opéra d’Amsterdam pendant trois décennies. 2018 est décidément un cru particulier.
Qu’en retenir? D’abord, évidemment, l’empreinte profonde imprimée en douceur par un directeur aimé de ses équipes et de son public. Sa sensibilité artistique vibrante et son sens aigu de l’ouverture sur la modernité, les cultures et la transmission ont diversifié les publics, amplifié la visibilité du festival et ancré la manifestation dans un territoire élargi.
La Méditerranée, horizon naturel
Compositeur, organiste, pédagogue et humaniste engagé, Bernard Foccroulle a semé sans relâche pour fédérer la société autour du partage artistique. Aix lui doit encore l’orientation vers la Méditerranée, horizon naturel mais encore inexploré sur le plan lyrique. Deux publications éditées chez Actes Sud, pour l’anniversaire du festival et le départ de son directeur, témoignent d’un travail persévérant et d’une vision éclairée de l’opéra de demain.
Avec L’opéra, miroir du monde, on plonge passionnément dans les souvenirs pho-
tographiques et les commentaires des productions de l’ère Foccroulle. Sur les soixante-cinq ouvrages à l’affiche depuis 2007, dix-huit ont été mis en évidence et rappellent le niveau d’exigence et d’excellence porté par le directeur et son conseiller artistique Alain Perroux. Il suffit de citer quelques titres pour rêver: Elektra (Chéreau/Salonen), Written on Skin (Benjamin/Mitchell), Pelléas et Mélisande (Salonen/Mitchell), Il Trionfo del Tempo… (Haïm/Warlikowski), Carmen (Heras-Casado/Tcherniakov), les deux Flûte enchantée (Pichon/McBurney et Jacobs/Kentridge), Le nez (Ono/ Kentridge), Le rossignol et autres fables (Ono/Lepage), La Traviata (Langrée/ Sivadier)… On aimerait tout revivre.
Cette année, les cinq spectacles au programme se partagent diversement les scènes, les derniers feux «foccroulliens» n’atteignant pas tous les mêmes sommets. Pour le versant le plus populaire, l’événement participatif et interculturel Orfeo et Majnun aura réuni une foule immense sur le Cours Mirabeau.
Dans cette édition «spéciale», on place en position privilégiée la reprise de la phénoménale Flûte enchantée que Simon McBurney a fixée pour longtemps dans les mémoires, en 2014. Cette fois, Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion sont aux commandes musicales, au grand bonheur général. Pour le reste, quatre nouvelles productions sont donc à l’affiche.
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La sensibilité artistique vibrante de Bernard Foccroulle et son sens aigu de l’ouverture sur la modernité, les cultures et la transmission ont amplifié la visibilité du festival
Festival d’Aix-en-Provence, jusqu’au 24 juillet. festival-aix.com/fr