Une start-up vaudoise veut démocratiser l’analyse des stupéfiants
INNOVATION Après avoir traqué la fraude fiscale dans les banques, un doctorant de l’Ecole des sciences criminelles a développé un appareil mobile pour analyser la pureté des stupéfiants. L’outil sera bientôt testé par la police genevoise
L'outil ressemble à une petite lampe de poche. Il pourrait à l'avenir s'attacher à la ceinture de policiers pour leur permettre de scanner les stupéfiants saisis lors de contrôles, afin d'en analyser la composition. «On amène le laboratoire sur le terrain», explique son concepteur, Florentin Coppey, 34 ans, Valaisan né à Orsière et doctorant à l'Ecole des sciences criminelles. Le jeune chercheur a reçu une bourse de 100000 francs financée par la Fondation pour l'innovation technologique (FIT) du canton de Vaud pour sa start-up, NIR Lab Technologies, destinée à développer cette technologie portable d'analyse chimique.
La méthode repose sur la «spectroscopie proche infrarouge»: une lampe éclaire un échantillon, qui renvoie une réponse en fonction de sa composition chimique. Florentin Coppey développe les algorithmes permettant de traduire les images obtenues en données utiles et compréhensibles, contribuant ainsi à «démocratiser une méthode d'analyse chimique d'ordinaire réservée aux laboratoires pharmaceutiques», dit-il.
Application multiple
L'outil sert à analyser divers stupéfiants – cannabis, cocaïne, héroïne, MDMA, amphétamine ou kétamine – et à déterminer si un produit est licite ou non. «On obtient une information en quelques secondes, au lieu d'attendre deux semaines les résultats d'une analyse en laboratoire», souligne le chercheur. Ce premier tri sur le terrain pourrait simplifier le travail des autorités, surtout lorsque la frontière entre cas grave et bénin est floue: la possession de cocaïne implique l'ouverture d'une procédure à partir de 18 grammes de substance pure. Ou encore pour faire la distinction entre cannabis légal ou illégal (avec ou sans THC). Employé à large échelle, cet outil permettrait de détecter l'apparition d'une nouvelle drogue sur le marché, ou de mieux identifier des réseaux. Prochaine étape: un premier test devrait avoir lieu en automne au sein de la police genevoise.
Mais les applications de l'analyse chimique portable ne se limitent pas aux stupéfiants. Cette technologie pourrait aussi servir à déceler les contrefaçons de médicaments. A tester la présence d'amiante dans un bâtiment. Ou encore à évaluer la qualité d'une production agricole: taux de sucre dans le raisin, teneur en eau d'un grain de café, par exemple.
Florentin Coppey a pour le moins un parcours atypique. En 2011, son master de criminologie en poche, il obtient un poste de «consultant forensique» dans une grande société de conseil et d'audit. Sa mission consiste à traquer la fraude fiscale dans des grandes banques du pays. Il monte en parallèle une entreprise de commerce de caméras optiques et de drones, son autre hobby, et devient rapidement le premier revendeur de mini-caméras portatives en Suisse. Mais, sentant qu'il allait se lasser de ce commerce, il revient à la recherche, avec son bagage d'entrepreneur et son intérêt immodéré pour les nouvelles technologies.
Quand il n'est pas penché sur des algorithmes, Florentin Coppey survole les Alpes en parapente. Il réalise 20 à 30 vols par an. La seule évocation de cette image suffit à animer son visage d'un sourire: «planer du Mont-Blanc au Cervin, sans moteur, avec seulement le bruit du vent… Il n'y a rien te tel pour décompresser.» Sa drogue à lui.
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