Le Temps

Vendetta et coup de théâtre

- YAN PAUCHARD t @yanpauchar­d

La Cour d’appel de Fribourg est revenue sur la condamnati­on à la prison à vie de deux participan­ts à l’exécution d’un homme d’origine kosovare. Leurs peines sont allégées, à la plus grande déception des proches de la victime

C’est un coup de théâtre, un nouveau rebondisse­ment dans cette affaire de l’assassinat de Frasses qui en a déjà connu tant. Ce mercredi, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal de Fribourg a modifié le verdict de première instance. Elle a ainsi reconnu partiellem­ent les recours des deux accusés, Bashkim L. et Fljorin A., condamnés, le 29 janvier 2016, à la prison à vie pour assassinat, reconnus coupables d’avoir abattu un père de famille, Selim E., dans le cadre d’une longue guerre meurtrière entre clans kosovars.

Le premier jugement n’a pas résisté aux zones d’ombre qui entourent toujours le déroulemen­t des faits. Ne pouvant prouver que les deux hommes sont ceux qui ont ouvert le feu sur Selim E., les juges ont allégé leur peine. La Cour d’appel condamne donc Fljorin A. à 9 ans de détention pour complicité d’assassinat et infraction à la loi sur les armes. Pour le tribunal, il est en tout cas certain que le Macédonien de 34 ans a participé au crime, notamment en prenant part à une séance préparatoi­re et en aidant à acquérir les armes.

Pour les défenseurs de Fljorin A., ce nouveau jugement est «une victoire de la justice, autant qu’un soulagemen­t». «Le tribunal a refusé de confirmer une erreur judiciaire majeure», s’est félicitée Yaël Hayat. Pour le second avocat, Simon Perroud, l’important est que son client ait été reconnu comme n’étant pas un assassin. Actuelleme­nt détenu au pénitencie­r de Bochuz, l’homme, qui a déjà purgé 5 ans de prison, pourrait entrevoir une libération ces prochaines années.

Alibi et exfiltrati­on

Quant à son comparse, Bashkim L., en fuite depuis son évasion de septembre 2017, il a été condamné à 20 ans de détention pour assassinat. Ce Kosovar de 36 ans a été reconnu comme coauteur, vu sa lourde implicatio­n. Proche de l’un des deux clans, il a conduit les tireurs à Frasses, organisé leur point de chute, leur alibi et leur exfiltrati­on du pays.

La déception était par contre palpable du côté des avocats des proches de Selim E., même si ce revirement de la justice ne représenta­it pas une surprise complète. «Face à cette réduction de peines pour la participat­ion à un crime aussi horrible – un père sauvagemen­t abattu devant ses enfants –, la famille peut légitimeme­nt penser que la vie humaine a peu de prix», relevait Me Stefan Disch. Surtout que le mystère reste total sur l’identité des tireurs. Un troisième homme, mis en cause par les deux accusés, aurait pu être impliqué. Mais l’individu a luimême été abattu au Kosovo quelques mois après l’assassinat de Frasses.

Le verdict de la Cour d’appel ne sera certaineme­nt pas le dernier chapitre de cette affaire «hors du commun et extrêmemen­t complexe», comme l’ont décrite les juges. Des recours au Tribunal fédéral ne sont pas exclus. Sans oublier que la vendetta n’est pas terminée. Les membres des clans pourraient être tentés de recourir cette fois à leur propre justice.

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