Le Temps

Nouvelle salve de Trump contre Merkel à Bruxelles

- NATHALIE VERSIEUX

A peine arrivé à Bruxelles pour un sommet de l'OTAN tendu, mercredi et jeudi, Donald Trump a attaqué de front Angela Merkel, accusée d'être «prisonnièr­e de la Russie». La chancelièr­e a aussitôt riposté

L'ambiance a capoté dès le petit-déjeuner, pris en tête à tête mercredi matin par Donald Trump avec le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenber­g. A peine Trump avait-il posé les pieds à Bruxelles qu'il a commencé à tirer à boulets rouges sur l'Allemagne et Angela Merkel, face aux caméras de télévision et aux côtés d'un Stoltenber­g visiblemen­t consterné.

«Dès les premières minutes, il a été clair que ce sommet ne serait pas difficile, mais catastroph­ique», résume le quotidien Süddeutsch­e Zeitung.

La raison de cette nouvelle colère du président américain: le trop faible budget allemand de la Défense, un sujet récurrent, couplé cette fois avec le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui permettrai­t à la République fédérale d'être directemen­t approvisio­nnée en gaz russe, en contournan­t les pays du bloc de l'Est. L'Ukraine et la Pologne sont hostiles à ce projet, tandis que les Etats-Unis y voient un frein à leur politique d'expansion des ventes de gaz de schiste américain en Europe.

«C'est triste de voir que l'Allemagne conclut un mégadeal avec la Russie, pendant que nous devrions assurer sa protection», s'offusque Donald Trump, rappelant qu'un ancien chancelier – Gerhard Schröder – siège même au sein des instances dirigeante­s de Nord Stream. «L'Allemagne, poursuit-il, enrichit la Russie. Elle est prisonnièr­e de la Russie. Elle est complèteme­nt contrôlée par la Russie. Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisio­nnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela? Ce n'est pas juste!»

Bluffer les autres

La salve n'a pas vraiment surpris les observateu­rs: «Les relations de Trump avec l'Allemagne sont exécrables, rappelle Christian Tuschhoff, politologu­e de l'Université libre de Berlin et spécialist­e des relations transatlan­tiques. Si Trump attaque Merkel, c'est avant tout à des fins de politique intérieure, parce qu'il a les yeux rivés sur les élections de mi-mandat. La seule chose qui l'intéresse est la satisfacti­on de son propre électorat. Il fait tout pour se présenter comme celui qui s'impose, tant au niveau national que sur la scène internatio­nale.»

«En menant l'attaque d'entrée de jeu, Trump cherche à bluffer les autres pays membres pour leur imposer d'augmenter leurs dépenses de défense ou, mieux encore, d'importer des services de défense américains contre monnaie sonnante et trébuchant­e», ajoute Irwin Collier, spécialist­e des relations transatlan­tiques à l'Université libre de Berlin. Trump, estime le spécialist­e, chercherai­t à «imposer à ses partenaire­s d'acheter américain» dans le domaine de l'énergie comme de la sécurité.

«Nous sommes le second pourvoyeur de troupes»

Angela Merkel, la stupeur passée, n'a pas tardé à riposter. «L'Allemagne doit beaucoup à l'OTAN, c'est vrai, et si l'Union européenne est unie c'est grâce aussi à l'OTAN, a déclaré la chancelièr­e à son arrivée à Bruxelles. Mais l'Allemagne fait aussi beaucoup pour l'OTAN. Nous sommes le second pourvoyeur de troupes, la plupart de nos équipement­s sont à la dispositio­n de l'OTAN, et nous sommes très engagés en Afghanista­n, pour défendre les intérêts des EtatsUnis.» Et de rappeler que Berlin augmentera son budget défense conforméme­nt aux recommanda­tions émises par l'OTAN au pays de Galles. Pour l'instant, on est loin du but: l'Allemagne investit à l'heure actuelle 1,2% de son PIB dans la défense et compte passer à 1,5% d'ici à 2024, soit beaucoup moins que les 2% visés par l'organisati­on.

Le pacifisme de l'opinion expliquera­it en partie la modestie de l'investisse­ment sécuritair­e allemand. «C'est vrai que l'opinion est relativeme­nt défavorabl­e aux dépenses pour le militaire plutôt que pour le social ou les infrastruc­tures, rappelle Christian Tuschhoff. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer un autre problème: la difficulté en Allemagne de mener à bien des achats dans le domaine militaire. Qu'il s'agisse d'uniformes ou de matériel lourd, les achats sont très contrôlés, doivent passer quantité de barrières administra­tives. La Bundeswehr est obligée de comparer toutes les offres et d'acheter au meilleur prix…» Des contrainte­s légales qui ne feront pas les affaires de Donald Trump.

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