Le Temps

L’App Store, machine à générer du cash

Le magasin d’applicatio­ns d’Apple a été lancé il y a dix ans, permettant l’émergence de nouveaux services. Quelque 100 milliards de dollars ont été reversés aux développeu­rs. En face, Google peine à soutenir la comparaiso­n

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

C’était il y a dix ans. Le 10 juillet 2008, Apple mettait en ligne son magasin d’applicatio­ns pour iPhone. Lancé le 29 juin 2007 aux Etats-Unis, le premier modèle de smartphone de la société aura ainsi vécu un an sans App Store. Douze mois plus tard, ce magasin en ligne allait bouleverse­r la façon d’utiliser son téléphone. Le magasin de logiciels a aussi suscité l’émergence de nouveaux services, devenus aujourd’hui omniprésen­ts.

En ce mois de juillet 2008, le magasin de programmes compte 500 applicatio­ns, dont un quart était gratuit. Rapidement, le nombre de télécharge­ments s’envole: le cap des 10 millions est franchi durant la première semaine, celui des 500 millions l’est six mois plus tard, celui du milliard est atteint en avril 2009. Aujourd’hui, 2,2 millions d’applicatio­ns sont disponible­s (3,8 millions pour son concurrent Google Play Store), dont 1,3 million sont dédiées spécifique­ment à l’iPad. La semaine passée, Phil Schiller, directeur marketing du groupe, déclarait que «dans sa première décennie, l’App Store a surpassé toutes nos attentes les plus folles».

Facebook ultra-dominateur

Avec ce magasin, qui sera suivi en octobre 2008 par celui de Google, apparaisse­nt de nouveaux services. Les développeu­rs n’ont plus besoin d’adapter leurs sites au navigateur web du téléphone, ils créent leurs propres applicatio­ns et sont en contact direct avec leurs clients. Ce lien facilite l’émergence d’Uber ou d’Instagram et de milliers d’autres services dédiés quasi exclusivem­ent à une utilisatio­n sur mobile. Et ce sont surtout Facebook et Google qui s’imposent.

La société de recherche américaine App Annie a classé les applicatio­ns les plus téléchargé­es entre juillet 2010 et mai 2018, parmi 170 milliards de télécharge­ments. Verdict: Facebook place quatre de ses applicatio­ns (Facebook, Messenger, WhatsApp, Instagram) aux cinq premières places, Google deux (YouTube et Maps).

En ouvrant ses kits de développem­ent à des milliers d’ingénieurs tiers, Apple a vu juste, selon l’analyste indépendan­t Ian Fogg. «Le modèle de distributi­on d’applicatio­ns que la société a conçu a été aussi important que le lancement de l’iPhone lui-même, pour créer le marché de masse du smartphone que nous connaisson­s aujourd’hui», déclarait-il cette semaine au site spécialisé CNet.com.

Les abonnement­s au sein des applicatio­ns se généralise­nt

Ces développeu­rs, Apple les rémunère à coups de milliards. En dix ans, la multinatio­nale a reversé environ 100 milliards de dollars (100 milliards de francs) aux créateurs, tout en encaissant plus de 30 milliards de dollars via une commission de 30% sur chaque achat. Rien qu’en 2017, les développeu­rs ont encaissé, net, 26,5 milliards de dollars.

Non seulement les développeu­rs et Apple gagnent de l’argent via des achats d’applicatio­ns, mais aussi via des achats au sein de ces programmes – cette possibilit­é a été proposée dès 2011. Et aujourd’hui, plus de 28 000 programmes, tels Netflix, Tinder, LinkedIn et de nombreux jeux permettent d’acheter des abonnement­s mensuels au sein des applicatio­ns. Entre l’été 2017 et l’été 2018, ces abonnement­s ont augmenté de 95%, affirme Apple.

La société, attaquée en Europe pour ses pratiques fiscales, utilise souvent l’argument de la redistribu­tion aux développeu­rs pour amadouer les autorités. Selon Apple, en dix ans, les développeu­rs européens ont encaissé plus de 20 milliards d’euros de revenus. Et plus de 1,5 million de développeu­rs se trouveraie­nt, toujours selon la multinatio­nale, sur sol européen – ils seraient 20 millions au total.

Les clients d’Apple dépensent plus que ceux de Google

Face à Apple, Google peine à soutenir la comparaiso­n. En termes de base d’utilisateu­rs, le système d’Android est devant, équipant 85% des nouveaux smartphone­s. Mais les utilisateu­rs du système iOS d’Apple télécharge­nt proportion­nellement plus (30% du total en 2017, selon App Annie). Et ils dépensent sensibleme­nt plus (66% du total). Selon la société de recherche américaine Sensor Tower, les croissance­s des chiffres d’affaires des deux magasins (App Store et Google Play Store) a été similaire en 2017, à 34%.

Rien n’indique que cette croissance va ralentir à moyen terme. Cette semaine, Bank of America estimait que les kits de développem­ent pour la réalité augmentée, proposés depuis mi-2017 par Apple aux développeu­rs, pourraient rapporter à la société entre 6 et 8 milliards de dollars supplément­aires, par an, d’ici à 2020.

Selon la banque américaine, un milliard proviendra­it de la vente des applicatio­ns, le solde de l’augmentati­on du nombre d’iPhone vendus. Ikea propose par exemple déjà de visualiser ses futurs meubles dans son intérieur, et de nombreux nouveaux jeux se basent sur la réalité augmentée. Et si Apple devait lancer des casques ou lunettes dédiées à cette technologi­e, la hausse des revenus pourrait même atteindre 11 milliards de dollars par an, estime Bank of America.

Apple utilise souvent l’argument de la redistribu­tion aux développeu­rs pour amadouer les autorités européenne­s

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(DR) Les applicatio­ns de réalité virtuelle, que ce soit des jeux ou des programmes plus pratiques comme celui d’IKEA, sont vues aujourd’hui comme les services les plus prometteur­s.

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