Le Temps

Assurances complètes sous la loupe

Axa se retire de l’assurance complète de la prévoyance profession­nelle. Il n’existe aucune garantie éternelle pour ce modèle de prévoyance

- OLIVER LIPS* * Senior Account Manager, Aon Schweiz, Zurich

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe: en avril 2018, Axa a annoncé qu’elle adaptait son concept de réassuranc­e dans la prévoyance profession­nelle, passant d’une assurance complète à une réassuranc­e partielle. Environ 38 000 entreprise­s clientes LPP, avec plus de 210000 collaborat­eurs assurés, sont concernées. Avec cette décision, ce n’est plus la compagnie d’assurance vie qui supporte le risque de placement, mais désormais la fondation, et donc en fin de compte les entreprise­s affiliées et leurs employés. Les garanties de capital et d’intérêts auparavant payées par l’assureur disparaiss­ent.

Désormais, le risque de longévité des retraités partant à la retraite dès 2019 doit être supporté par la fondation. En revanche, la fondation collective restructur­ée démarrera avec un degré de couverture d’environ 110% et pourra prendre de plus grands risques de placement.

Conséquenc­e du vote

L’exemple d’Axa montre à quel point les garanties actuelles dans la prévoyance profession­nelle sont devenues chères. La solution d’assurance complète devant garantir un degré de couverture de 100%, il y a peu de place pour les risques de placement. Un assureur complet doit donc investir la plus grande partie de sa fortune en obligation­s avec des perspectiv­es de bas rendements. Ces derniers ne suffisent pas à financer les garanties d’intérêts de plus de 4,5% du taux de conversion légal à 6,8%. Axa a tiré les conséquenc­es du refus par le peuple du projet «Prévoyance vieillesse 2020», et n’est visiblemen­t plus disposée à lier autant de capital propre aux solutions suisses de prévoyance profession­nelle. Il reste encore cinq fournisseu­rs de solutions d’assurance complète: les fondations collective­s de Swiss Life, Bâloise, Helvetia, Allianz et Pax (voir en page 14).

Conseils de fondation mis à l’épreuve

Dans la discussion sur les fondations collective­s semi-autonomes, les risques réels et leurs possibles effets sur les employeurs et les employés ne sont pas assez abordés. Par exemple, une modeste sous-couverture ne nécessite pas de prendre immédiatem­ent des mesures d’assainisse­ment en mettant les employeurs et les employés à contributi­on. Dans une telle situation, le conseil de fondation peut en effet se limiter à des mesures moindres, comme une réduction du taux d’intérêt sur les avoirs de vieillesse. Ce n’est qu’en cas de déficit de couverture considérab­le, ne pouvant être comblé à moyen et long terme, que le conseil de fondation doit décider de mesures supplément­aires.

Savoir sortir de la sous-couverture

Mais les expérience­s acquises à la suite de l’éclatement de la bulle technologi­que en 2000-2001 et la crise des subprimes dès 2007 ont montré que les grandes fondations collective­s semi-autonomes peuvent sortir du déficit de couverture sans prendre de mesures d’assainisse­ment. De plus, il faut souligner que, même en cas de sous-capitalisa­tion importante, les assurés recevront 100% de leurs prestation­s de libre passage s’ils quittent la caisse de pension, sauf en cas de liquidatio­n partielle, par exemple en cas de restructur­ation ou de fermeture d’entreprise.

Si lors d’une telle situation de liquidatio­n l’institutio­n de prévoyance se trouve en sous-couverture, les prestation­s de sortie des assurés pourraient être réduites selon le règlement de fondation.

Cette constellat­ion n’existe pas avec la solution d’assurance complète, un degré de couverture de 100% devant toujours être garanti. Dans le cas des fondations collective­s semi-autonomes, il faut donc aussi examiner au préalable les règlements en question. Certains assureurs ont fixé les valeurs autorisées pour une liquidatio­n partielle, de telle sorte que la plupart des PME ne les dépassent jamais.

Observer les solutions semi-autonomes

Evaluer si ce sont les risques ou les avantages d’une solution de prévoyance semi-autonome qui l’emportent pour les employeurs et les employés est une opération très individuel­le, qui doit donc être examinée en détail. Par exemple, une restructur­ation qui se dessine dans une entreprise pourrait être une raison de s’en tenir à l’assurance complète.

Actuelleme­nt, les assureurs complets restants souscriven­t les risques de manière très sélective et renoncent à soumettre des offres aux entreprise­s ayant une structure d’âge ou une évolution des sinistres défavorabl­e. Par ailleurs, l’exemple d’Axa a montré que la conclusion d’un contrat d’assurance complète ne constitue pas une garantie éternelle pour ce modèle de prévoyance.

Souvent, trop peu d’attention est accordée aux risques réels et à leurs effets sur le partenaria­t social

Contrôle permanent

Certes, les prestatair­es restants ont provisoire­ment confirmé qu’ils allaient adhérer au modèle d’assurance complète, mais ils pourraient revenir sur cette décision en fonction de l’évolution des marchés d’investisse­ment ou de celle des conditions-cadres politiques. Le faible niveau des taux d’intérêt, l’augmentati­on de l’espérance de vie ainsi qu’un taux de conversion minimum légalement normé et la redistribu­tion en résultant entre assurés actifs et rentiers sont les préoccupat­ions de toutes les institutio­ns de prévoyance en Suisse.

En outre, les questions spécifique­s aux assureurs vie comme les dispositio­ns de legal quote garantiron­t que les assureurs complets continuero­nt d’examiner régulièrem­ent leur offre.

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(JANNIS CHAVAKIS) Le vert, couleur de référence: selon ses propres déclaratio­ns, Nest est l’institutio­n de prévoyance la plus écologique et éthique de Suisse.
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