Le Temps

«Nous enregistro­ns bien plus de clients»

Hans-Jakob Stahel, le responsabl­e de la clientèle entreprise­s de Swiss Life (Suisse), évoque l’avenir de l’assurance multirisqu­e pour les PME et la nécessité de réformes dans la prévoyance profession­nelle

- PROPOS RECUEILLIS PAR KURT SPECK

Axa (Suisse) met un terme à ses activités d’assurance multirisqu­e. Etes-vous désormais submergés de demandes de clients déçus qui souhaitent une telle solution d’assurance pour leur prévoyance profession­nelle? Oui, ces derniers temps, le nombre de demandes a fortement augmenté. Une bonne partie des petites et moyennes entreprise­s apprécie ces garanties et se montre disposée à payer quelque chose pour une telle protection intégrale.

Lorsque la prévoyance profession­nelle est devenue obligatoir­e en 1985, deux douzaines d’assureurs proposaien­t l’assurance multirisqu­e. Il n’en reste que cinq. Quand ces derniers vont-ils renoncer à leur tour? Je ne pars pas de l’idée que d’autres entreprise­s se retireront prochainem­ent de l’assurance multirisqu­e. Swiss Life y tient, afin de continuer de laisser le choix aux PME dans leur prévoyance profession­nelle. Mais désormais, il faut impérative­ment et rapidement aborder et définir de manière adéquate les conditions-cadres dans la prévoyance profession­nelle, notamment l’abaissemen­t du taux de conversion LPP. En tant qu’assurance vie, Swiss Life doit en outre assumer des exigences de capital plus élevées que, par exemple, dans le contexte européen. Cela implique des pertes de revenus de placements pour les assurés et des désavantag­es concurrent­iels pour les assureurs.

On aura donc les mêmes prestatair­es pour les cinq à dix prochaines années? Je ne peux pas m’exprimer au nom des quatre autres entreprise­s. Je l’ai dit: pour notre part, nous n’envisageon­s en tout cas pas un retrait.

Leader du marché, Swiss Life entend continuer de proposer aux PME suisses des garanties complètes. Accueillez-vous tous les intéressés dans l’assurance multirisqu­e ou y a-t-il des critères de sélection stricts? Notre stratégie de fournisseu­r complet part toujours du principe d’une offre intégrale dans la prévoyance profession­nelle. Nous sommes les seuls à proposer sous une seule marque aux PME, aux grandes entreprise­s et aux caisses de pension l’ensemble des prestation­s du marché dans le domaine du placement, du conseil, du risque et de l’exécution. Les assurances multirisqu­es et les solutions semi-autonomes en font également partie, de même que les prestation­s de Swiss Life Pension Services. Swiss Life entend continuer d’être un partenaire fiable pour toutes les PME, y compris les plus petites. Il va de soi que nous sommes fortement engagés à l’égard de nos clients actuels. Mais cette structure de portefeuil­le ne doit pas évoluer négativeme­nt. Si par exemple une PME avec beaucoup de rentiers souhaitait s’affilier chez nous, nous devrions éventuelle­ment la refuser en raison des conditions-cadres actuelles, afin de continuer à croître sainement.

Quelle est l’influence de l’âge? L’âge moyen d’une population joue un rôle en raison d’un taux de conversion trop élevé dans la partie obligatoir­e de la prévoyance profession­nelle. Nous devons tabler sur le fait qu’environ la moitié touchera une rente plus tard. Du coup, dans les conditions-cadres actuelles, il serait difficile d’accueillir une entreprise avec un effectif composé aux deux tiers par des plus de 55 ans.

La Commission de haute surveillan­ce de la prévoyance profession­nelle voit un danger dans le fait que beaucoup de petites entreprise­s ne trouveront bientôt plus de solution d’assurance intégrale en raison d’une sélection sévère… Ce problème vaut pour l’ensemble du deuxième pilier. Dans les conditions actuelles, il devient en effet difficile pour une PME avec certaines structures de trouver un nouveau partenaire. Mais cela n’implique pas uniquement une affiliatio­n chez un assureur vie. Pour une telle entreprise, il existe d’autres possibilit­és, comme d’être admis au sein de la Fondation institutio­n supplétive LPP. Ce sont surtout de très petites entreprise­s, comme une boulangeri­e ou un salon de coiffure, qui se battent pour une assurance multirisqu­e, parce qu’elles ne veulent pas assumer le risque de placement. Il y a des règles particuliè­res pour de telles entreprise­s. Il existe pour les boulangers et les coiffeurs des caisses de pension de branche qui travaillen­t avec les assureurs.

L’assurance intégrale va-t-elle renchérir si la demande croissante se heurte à une offre plus restreinte? Il est clair que l’assurance intégrale a un prix. Nous dépendons de la dispositio­n des actionnair­es à nous confier du capital pour assumer les risques de placement des clients. Mais la forte demande ainsi que le nombre élevé de PME (quelque 150000 entreprise­s avec plus d’un million d’assurés) fait que le rapport prix/prestation reste correct.

Depuis quelques années, Swiss Life mise sur les solutions semi-autonomes. Quels sont les avantages que vous promettez aux nouveaux clients? Entre assurance intégrale et solution partiellem­ent autonome, il n’y a ni avantages ni désavantag­es mais des caractéris­tiques spécifique­s. Nous présentons les deux modèles à une PME intéressée dans le cadre d’un conseil exhaustif, indépendan­t et neutre. Il n’y a pas de sens à minimiser l’une ou l’autre variante comme cela s’est fait récemment sur le marché. La caractéris­tique typique d’une assurance intégrale est d’éviter à l’employeur et à l’employé tout paiement supplément­aire. Comme je l’ai dit, cela a un certain prix.

Axa parle de primes de risque inférieure­s de 30%. Oui. En cas de changement de l’assurance intégrale à l’autonomie partielle, l’assureur promet une réduction des primes de cet ordre de grandeur. Mais, à ce jour, cela ne s’est jamais produit sur le marché. Nous enregistro­ns nettement plus de clients en assurance intégrale et ne ressentons pas la baisse de primes vantée ici.

Les clients qui passent d’une assurance intégrale à la solution semi-autonome sont-ils surtout ceux qui ont une part importante d’avoirs de retraite surobligat­oires? Non, je ne constate pas une telle tendance. Au contraire, j’observe même que cette clientèle est souvent orientée sécurité.

«Un certain processus de concentrat­ion est toujours en cours, mais plus au rythme qu’on a connu jusqu’ici»

La sortie observée d’assureurs vie de l’assurance intégrale dépend-elle aussi des sévères prescripti­ons de capital du régulateur? Je ne peux ni ne dois commenter les changement­s de politique fondamenta­ux d’autres prestatair­es. Le régime de solvabilit­é en vigueur n’est pas dans l’intérêt des clients. Les assureurs suisses ont surmonté la crise financière sans soutien de l’Etat et prouvé leur stabilité. Par conséquent, les exigences de capital selon les tests de solvabilit­é suisses pourraient être diminuées sans risque.

Où faudrait-il certains assoupliss­ements? Des adaptation­s se révèlent nécessaire­s aussi bien au niveau réglementa­ire que dans la pratique de surveillan­ce.

C’est la tâche des partenaire­s sociaux, en ce moment, d’élaborer de nouvelles propositio­ns de réforme pour la prévoyance profession­nelle. Selon vous, sur quels points faut-il agir? Tout est sur la table. L’urgence réside dans l’abaissemen­t indispensa­ble du taux de conversion LPP. Si l’on entend maintenir le niveau des rentes du minimum LPP, il faut épargner davantage. Ce qui signifie encaisser davantage de contributi­ons des employeurs et des salariés. Ensuite, pour la génération de transition, il faut prendre les mesures de compensati­on appropriée­s, telles que les prévoyait le projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020. Il vaudrait également la peine de tester la dépolitisa­tion du taux de conversion LPP, comme cela avait été proposé par les sections jeunes des partis bourgeois. Dans les années 1980, le Liechtenst­ein a pratiqueme­nt copié la LPP, avec deux exceptions: l’intérêt minimal et le taux de conversion restent l’affaire des partenaire­s sociaux. Notez que ce n’est qu’en 2005 que, chez nous, le taux de conversion a été fixé dans la loi. Au préalable, cette valeur de référence était fixée par le Conseil fédéral, tout comme l’intérêt minimal. On voit toujours plus de caisses de pension enveloppan­tes réduire le taux de conversion au-dessous de 5%. Cela indique clairement que, dans l’intérêt des assurés, le taux de conversion doit être abaissé aussi vite que possible dans la part obligatoir­e de la prévoyance profession­nelle.

La réglementa­tion additionne­lle affecte particuliè­rement les petites caisses de pension autonomes. Elles ont déjà dénoncé il y a des années une concurrenc­e très vive. Pourtant, il reste toujours plus de 1500 institutio­ns de prévoyance. La consolidat­ion est-elle arrivée à son terme? Non, un certain processus de concentrat­ion est toujours en cours, mais plus au rythme qu’on a connu jusqu’ici.

Le deuxième pilier est-il solide? Au regard des défis actuels, les institutio­ns de prévoyance se sont comportées de manière exemplaire. Comparé à ce qui se passe à l’étranger, je pense que notre système est relativeme­nt sain.

Swiss Life s’est également mise aux solutions dites «1e». Comment voyez-vous le marché pour ces solutions pour cadres? Le potentiel est digne d’attention. On estime qu’environ 5% des salariés, soit quelque 250000 assurés, se situent dans le segment de salaire de plus de 126000 francs. L’intérêt pour de telles solutions croît également chez nous. Les grandes entreprise­s qui appliquent les standards comptables internatio­naux obtiennent ainsi un allègement de leur bilan comptable.

L’individual­isation va-t-elle augmenter? Plus que d’une individual­isation croissante, je parlerais d’une tendance vers une autodéterm­ination plus marquée.

Est-ce que ça n’est pas au détriment de l’idée de solidarité dans le deuxième pilier? C’est important. Or l’origine de ce problème ne se situe pas tant dans une individual­isation croissante mais, une fois de plus, dans un taux de conversion excessif qui s’oppose diamétrale­ment à l’idée de solidarité.

 ?? (JANNIS CHAVAKIS) ?? Nouveau sommet depuis la crise financière de 2008: les caisses de pension suisses, dont Nest fait partie, ont indiqué à fin 2017 un taux de couverture de 114% et une réserve de fluctuatio­n de valeur de 14%.
(JANNIS CHAVAKIS) Nouveau sommet depuis la crise financière de 2008: les caisses de pension suisses, dont Nest fait partie, ont indiqué à fin 2017 un taux de couverture de 114% et une réserve de fluctuatio­n de valeur de 14%.

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