Locarno parie sur l’intelligence de la légèreté
Malgré le départ de Carlo Chatrian, directeur artistique, la 71e édition du rendez-vous tessinois promet de la légèreté. Les Marx Brothers seront de la partie, le Groland aussi
C’était hier, c’était le 4 septembre 2012. Midi sonnait au clocher de Locarno lorsque Carlo Chatrian est devenu le nouveau directeur artistique. En septembre, il part diriger le festival de Berlin. L’intellectuel turinois un peu timide des débuts reconnaît avoir beaucoup appris au cours de ses années locarnaises. «J’ai sans doute plus confiance en moi, dans la façon de positionner un film et de le présenter.» Avec un rien de malice, il ajoute: «Je ne pense pas que, la première année, j’aurais osé montrer un film de quatorze heures…» Cette durée record revient à La Flor, de Mariano Llinas (en compétition).
Le président Marco Solari salue le travail et l’«immense loyauté» du démissionnaire. Une trentaine de candidatures ont été posées, dont 90% seraient aptes à assurer la direction artistique de la plus importante manifestation culturelle de Suisse. Le remplaçant sera connu à la fin du mois d’août.
L’édition 2018 du Locarno Festival revendique de la légèreté, aussi bien dans la traditionnelle Rétrospective, consacrée à Leo McCarey, le réalisateur de plusieurs chefs-d’oeuvre du burlesque avec Laurel & Hardy (Liberty, avec accompagnement live) ou les Marx Brothers (Soupe au canard), que sur la Piazza Grande. I Feel Good, de Delépine et Kervern, ne devrait pas engendrer de mélancolie, de même que Coincoin et les Z’inhumains, de Bruno Dumont, voire BlacKkKlansman, car ce film politique de Spike Lee sur le racisme recèle des moments d’une drôlerie irrésistible. Carlo Chatrian et son équipe ont visionné quelque 1500 longs métrages. «La réalité qui nous arrive à travers les films n’est pas joyeuse. Nous essayons de ne pas nous limiter aux regards de souffrance. On essaie de se diriger vers un cinéma populaire, de pas montrer que des «films de festival.»
S’il est difficile de dégager une ligne des 15 films en Concorso Internazionale, Carlo Chatrian observe que beaucoup sont des portraits de femmes courageuses, des «lettres d’amour aux femmes». Par ailleurs, une petite moitié des titres porte le nom des protagonistes – Alice T., Diane, Menochio, Sibel, Yara… «ce qui démontrerait la confiance que les réalisateurs font à leurs personnages».
Musique d’avenir
Le Locarno Festival se porte bien. Mais les temps changent. Quel sort l’avenir réserve-t-il aux festivals? Pour répondre aux défis du futur, Marco Solari a convoqué l’année dernière un «Advisory Board», huit observateurs entre 18 et 23 ans, pour faire la critique du festival. Etudiante en journalisme, Lili Hering fait partie du «Board». Elle pense que le festival serait plus facile à critiquer s’il était un peu moins bien. Elle a apprécié la chaleur de l’accueil. Les conseillers juvéniles estiment toutefois que la manifestation devrait communiquer par-delà la Suisse, conclure des partenariats avec les universités, contacter des «influenceurs» dans les domaines de la littérature, de l’art ou du design.
Certes, les «jeunes» ne fréquentent plus guère les salles de cinéma. Lili Hering estime qu’il est d’autant plus important d’avoir des endroits où se retrouver pour parler. Comme Locarno, «où on découvre des films qu’on n’aurait jamais trouvés, même au fin fond d’internet».
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Locarno Festival. Du 1er au 11 août. www.pardo.ch