L’ÉTÉ DES NANARS
«Adieu poulet» (1975), si admirable de médiocrité!
Ç’aurait pu être un film de Jacques Deray (Trois hommes à abattre) ou de Philippe Labro (L’alpagueur), un de ces nanars fétides et mal fichus qui déshonoraient le cinéma français des années 70. Le hasard a désigné Adieu poulet (1975), de Pierre Granier-Deferre, dont la filmographie
(Le toubib, L’étoile du Nord…) force l’admiration par sa constante médiocrité.
A Rouen, le commissaire Verjeat (Lino Ventura), vieil éléphant ombrageux, et l’inspecteur Lefèvre (Patrick Dewaere), jeune chien fou, enquêtent sur la mort du client d’une maison close. La tenancière leur fait comprendre qu’elle a des appuis politiques: le maire, Pierre Lardatte (Victor Lanoux), en pleine campagne électorale. Entre le notable et le flic qui, en bon poujadiste, n’a jamais saisi «la différence entre un gangster et un homme politique», c’est la guerre.
Ventura grogne comme un sanglier, Dewaere en fait des tonnes. Leurs personnages se veulent cools et rebelles, ils sont inconsistants et odieux. Verjeat tarte les suspects, jette une bande de Hare Krishna en bas des escaliers. Lefèvre juge «marrant» un «numéro de gestapiste».
Idéologiquement puant, Adieu poulet atteint des abîmes de nullité à tous les niveaux. Pourquoi y a-t-il une carte murale de la région parisienne dans le bureau du divisionnaire de Rouen? Pourquoi Lefèvre feuillettet-il un album de Gai-Luron pendant un débriefing houleux? Dans un bistrot, il colle son chewing-gum à un hareng saur, le soulève en répétant «il est ferré», puis le glisse sous sa chemise…
Les symboles (un buste de Marianne explosé par un désespéré) et les scènes d’action sont grotesques, à l’image de cet inspecteur couvert de plâtre pour qu’on le confonde avec la femme du bandit. Un complice se présente aux urgences avec du ketchup sur la figure, et le médecin de diagnostiquer un accident de voiture… Muté à Montpellier, Verjeat a l’idée hautement invraisemblable de se faire passer pour un ripou afin de rester à Rouen. Après deux jours d’instruction, il est effectivement sommé de ne pas quitter la ville.
«Adieu poulet!», c’est le mot de la fin que Verjeat lance à Lefèvre avec une mine de prophète antique. L’autre aurait dû rétorquer: «Poil au mollet!» Ce trait d’esprit aurait conclu d’étincelante manière le petit polar crapoteux.