Le Temps

Des restaurati­ons faites avec soin et de grands moyens

-

L’architecte Thierry de Pourtalès le souligne avec autant d’insistance que de plaisir: si le château est en aussi bon état, c’est parce que les propriétai­res qui se sont succédé disposaien­t de moyens importants et ont toujours eu le souci de l’entretenir. La descriptio­n publiée par la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS) retrace les «profondes transforma­tions» effectuées au XIXe siècle et évoque également la restaurati­on générale entreprise sous l’égide de l’architecte Léo Châtelain entre 1897 et 1905*. Ces travaux ont été commandés par le banquier Antoine Borel. Son histoire est racontée dans un article publié par l’Associatio­n suisse d’histoire de la technique et du patrimoine industriel. Né en 1840 à Neuchâtel, il appartient à une dynastie d’entreprene­urs tournés vers l’internatio­nal, ce qui n’est pas commun à l’époque. Il part en Allemagne en 1859 pour apprendre la langue de Goethe, puis décide de rejoindre son frère Alfred en Californie en 1861. Ils y gèrent la Caisse hypothécai­re et Antoine décide de diversifie­r la politique d’investisse­ment de l’établissem­ent, en incluant notamment les fameux cable

cars de San Francisco. Dès 1868, il prend connaissan­ce du fait que le château bérochal et son domaine sont à vendre. Il ne peut alors l’acquérir. Mais ce n’est que partie remise.

La grande restaurati­on, de 1897 à 1905

Il franchit le pas en 1897. Alors que l’ancrage de la famille Borel se situe plutôt au moulin de Bevaix, une résidence distante de quelques kilomètres à peine, il commence par passer ses étés à Gorgier avant de s’y installer durablemen­t. Les travaux de transforma­tion qu’il confie à Léo Châtelain sont conséquent­s. Un tunnel est creusé sous la tour du pont-levis, qui relie les communs vers l’office, le chauffage central est installé par Sulzer, l’électricit­é fait son apparition. A l’intérieur, les placages, revêtement­s, plafonds, parquets prennent une nouvelle apparence. Les pièces sont agrémentée­s de meubles d’inspiratio­n californie­nne ou parisienne des années 1900. Les salles de bains sont modernisée­s, l’eau courante coule désormais des robinets anglais dans des cuvettes amovibles suspendues dans les lavabos en marbre.

Une ultime réminiscen­ce néomédiéva­le

Les plans de la nouvelle ferme sont dessinés. «C’est une des plus grandes de Suisse. Implantée le long de l’antique voie romaine Vy de l’Etraz, de style bernois, elle est construite en matériaux modernes pour l’époque: béton armé, dalles à hourdis et charpente modulaire aux fermes moisées, elle impression­ne», lit-on dans la revue d’architectu­re. La «touche finale», souligne encore l’auteur de la chronique, Antoine Wasserfall­en, c’est la cour d’honneur «aménagée autour de la nouvelle pièce d’eau avec rocaille, grotte et petit jardin à la française, à laquelle on parvient en passant par la poterne crénelée, ultime réminiscen­ce néomédiéva­le».

La famille américaine qui a acquis la propriété en 2001 s’est elle aussi beaucoup investie. Elle dit avoir consacré 10 millions de francs à ces travaux, dont «95% ont été attribués à des entreprise­s locales». C’est un architecte de la région qui en a reçu le mandat, en collaborat­ion avec un architecte d’intérieur. Les boiseries ont été restaurées avec du fil d’or, les planchers démontés et patiemment remontés, les tapisserie­s ont été refaites. «Nous nous sommes toujours considérés comme des hôtes, comme les protecteur­s du lieu durant cette période», confiait la propriétai­re au magazine Bilanz en 2012.

* Davantage de détails sur ces travaux sur www.letemps.ch

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland