Un bras de fer politique se joue autour du nouveau stade et de son quartier
La ville et les défenseurs affûtent leurs armes en vue d’une campagne tendue autour d’un projet de stade compact de 18 000 places sur le site du Hardturm. Ce nouveau quartier cristallise des ambitions divergentes
Au fond du terrain vague, on voit encore les restes d’un gradin, recouvert de tags. Là où se tenait l’ancien stade du Hardturm à Zurich, démantelé en 2009, il y a désormais une friche, dont les citadins se sont emparés au fil des ans. Ils y ont installé des potagers, de grands fours à bois, un mur de grimpe et un skate parc. L’été, les festivals se succèdent sur ce terrain vague: street food, musique, cirque… Un microcosme voué à disparaître si le nouveau projet de stade de football était accepté en votation. Les Zurichois se prononceront, probablement en novembre prochain.
Un «vrai stade»
Une nouvelle étape a été franchie mercredi soir, dans l’une des discussions les plus animées du moment à Zurich: le parlement de la ville a approuvé, avec 73 voix contre 37, la construction du nouveau stade. Le débat du législatif, qui a duré près de quatre heures, préfigure celui à venir au sein de la population. Il sera question de logement, de densification ou encore d’espace vert: un condensé des sujets qui préoccupent les Zurichois.
L’exécutif soutenu par le PLR, l’UDC, les Vert’libéraux, les milieux sportifs et les investisseurs font corps pour défendre cette infrastructure prestigieuse, située à la porte d’entrée de la ville. Ils avancent la nécessité pour les deux clubs de football zurichois – le FC Zurich et Grasshopper – de disposer enfin d’un «vrai stade» consacré entièrement au football. Et redoutent, aussi, qu’un refus ne refroidisse les milieux économiques prêts à investir dans de grands projets.
Financement privé
Les artisans du nouveau stade ont tiré les leçons des erreurs passées: aucun denier public ne devrait être dépensé pour ce projet à 550 millions de francs. La ville accorde un droit de superficie de 1,2 million de francs annuels aux investisseurs privés – la société immobilière de Credit Suisse et l’entreprise HRS Real Estate AG.
Le stade, compact avec ses 18000 places, correspond aux exigences d’une infrastructure moderne. Ce n’est plus seulement un terrain, des gradins et des projecteurs. Mais un espace de vie occupé en dehors des jours de match également. A l’image de celui de Bâle: le parc SaintJacques, 40000 places, construit par les architectes Herzog et de Meuron.
Image de synthèse du projet de stade et de quartier.
Sur le site zurichois de 55000 m2, trois immeubles d’habitation doivent voir le jour, dont deux tours. Avec leurs 137 mètres de hauteur, elles dépasseront la Prime Tower, actuellement la plus haute de la ville avec ses 126 mètres. Les gratte-ciel abriteront 596 logements de standing destinés à rentabiliser l’infrastructure sportive. La municipalité rose-verte a obtenu la création en sus de 174 logements en coopérative d’habitation, à loyer modéré. Les artisans du stade promettent aussi des capteurs solaires sur le toit, des commerces, des ateliers et des jardins d’enfants. Un vrai quartier dans ce coin de Zurich West, ancienne zone industrielle modernisée, où la vie peine à s’installer.
Mais la bataille pour la dernière grande parcelle inoccupée de la ville s’annonce âpre. Depuis sa présentation en juillet 2016, le projet a vu les rangs de ses opposants grossir. Ils ne s’attaquent pas directement au stade, mais à ce qu’il y a autour, ou au mode de financement. L’association IG Freiräume Zurich West rassemble les défenseurs de la Stadionbrache,
Depuis sa présentation en juillet 2016, le projet a vu les rangs de ses opposants grossir
le nom de la friche sur laquelle devraient se construire les gradins, au nom de la «défense des espaces verts». Sous le nom de «folie des hauteurs», un comité d’habitants du quartier voisin, situé sur la colline de Höngg, s’oppose quant à lui à la création de gratte-ciel.
Une longue histoire
Le projet a perdu le soutien du Parti socialiste zurichois, qui s’oppose également aux deux tours et réclame, à la place, davantage de logements d’intérêt public. Mercredi soir, le PS a tenté de renvoyer le projet à l’exécutif, en vain. Il a fini par dire oui, «pour permettre au vote populaire d’avoir lieu». Mais entend désormais lancer une initiative contre les tours et pour un stade financé par la ville.
Voilà plus de quinze ans que Zurich tente de ressusciter un stade sur le site du Hardturm. Elle s’est déjà heurtée à deux échecs. En 2003, les citoyens acceptaient largement le Pentagon des architectes Meili et Peter, destiné à remplacer la vieille arène décatie. La perspective d’un stade tout neuf pour le Championnat d’Europe de nations de 2008 avait sans aucun doute joué un rôle dans cet enthousiasme populaire. Mais cet élan s’est écrasé contre les multiples oppositions d’habitants du quartier. Credit Suisse, qui était déjà à l’origine du projet, avait fini par abandonner et vendre le terrain à la ville.
Dix ans plus tard, en septembre 2013, les Zurichois, refroidis, refusaient à 50,8% un crédit de 216 millions pour un stade de football de 19000 places. Ce projet, qui prévoyait aussi 154 logements, devait être entièrement financé par la commune.
La dépense publique avait été jugée disproportionnée, pour une ville qui possède déjà un stade de football rénové en 2007: le Letzigrund, 25000 places, qui partage son terrain entre matchs, concerts et meeting d’athlétisme.
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